UNDER THE SILVER LAKE … de l’Argent à l’Or ?

Under the Silver Lake raconte l’histoire de Sam – interprété par Andrew Garfield – obsédé par la disparition de Sarah, une fille rencontré la veille et qui a disparu du jour au lendemain en laissant des indices étranges. Réalisé par l’américain David Robert Mitchell, le film est une révélation.

L’acteur américano-britannique Andrew Garfield, plus connu sous le nom de Peter Parker dans Spider-man, qui était un rôle qui lui collait jusque là bien à la peau, nous offre une interprétation d’un jeune homme bien tourmenté. Il adopte parfaitement les mimiques et la gestuelle d’un « défoncé », complètement à l’ouest.

S’ouvre alors aux spectateurs un labyrinthe semé d’énigmes farfelues qui tient en haleine tout le long du film. L’objectif principal ? Trouver ce qu’il s’est passé le soir où Sarah a disparu. L’incohérence des indices que récoltent Sam durant ses recherches donne au film une touche d’humour sarcastique.

Si le film est l’un des plus attendu de la Croisette ce n’est pas pour rien. Le cinéaste est pour la première fois, cette année, en compétition pour la Palme d’Or du meilleur film. Il avait déjà fait parler de lui avec It Follows en 2014, un film d’horreur poignant. Il revient cette année avec Under the Silver Lake, un film audacieux qui envoutera et déroutera la plupart des spectateurs.

Nombreuses sont les références que l’on peut trouver tout au long du film : passant d’Alfred Hitchcock à David Lynch, le long métrage à tout pour plaire aux cinéphiles. La bande son rappelle celle des années 50 mélangé à la pop culture d’aujourd’hui. Les cadrages et les lumières nous transportent dans un film hollywoodien d’après guerre.

On l’aura compris, Under the Silver Lake vous fera plonger dans les méandres d’un lac argenté et dans l’esprit d’une jeune garçon perturbé.

Elisa Gay

Un certain courage

Festival de Cannes jour 1. Mon culot et moi sommes bien arrivés dans la ville du tapis rouge, accrédités comme il se doit avec une petite carte orange : inférieur aux stars, inférieur aux invités, inférieur à la presse.

Loin de moi l’idée de me plaindre, ce petit rectangle me permet d’accéder à nombres d’espaces, entre les terrasses et les salles, mon bonheur est à son comble (passons sous silence les heures d’attente dans les files qui, au final, me permettent de laisser libre court à ma plume). Pourtant, lors de nos balades hasardeuses, ma fidèle acolyte Juline et moi voulions repousser encore et encore les limites de nos pass orangés. Dès le premier jour, certes.

Déambulant parmi les étages du Grand Palais, rien ne pouvait nous arrêter. Cette semaine, à Cannes, nous endossons le rôle de journaliste pour Clap 8, alors comportons-nous comme tel. Je souhaitais faire des repérages pour des lieux d’interviews ou de tournage de JT pour nos lecteurs adorés, quand l’impensable se produit : l’accès à l’espace presse en terrasse nous est refusé. Évidemment, nos accréditations ne nous le permettent pas. Ni une, ni deux, armé d’un jeu d’acteur défiant toute la sélection officielle, nous nous étonnons d’un tel refus et entamons procès et arguments pour atteindre la terrasse promise. Après moult discussions (environ 45 secondes chrono) nous accédons à l’espace des privilégiés ! O joie ! Mais la désillusion arriva bien vite car la terre sainte n’était remplie que de journalistes travaillant avec sérieux sur quelques tables en bois terni, même la vue sur les ruelles n’a rien pu sauver.

Gambadant joyeusement dans les espaces du festival, les « Juju » comme nous sommes appelées, nous traversons d’un pas décidé les allées. Quelle ne fut pas notre surprise en nous rendant compte de notre arrivée dans le village international, au niveau des cocktails russes. Tout le monde nous regardait d’un œil interrogé : deux frêles jeunes filles, lunettes de soleil vissées sur le crâne, habillées comme le petit peuple (en langage Cannes cela signifie aucunes gambettes dénudées à l’horizon) et visiblement peu habilitées à sillonner les tentes blanches des différents pays. Peu importe. Nous continuons notre petit trajet à travers la foule VIP de Cannes, satisfaites de notre infiltration.

La journée nous offrit un dernier moment où le culot bien placé joua en notre faveur. Intriguée par le studio radio situé en plein milieu du pavillon Méditerranée, je passe furtivement ma tête blonde à travers la porte, demandant informations et plaçant subtilement mes pions. 10 minutes plus tard, Juline et moi repartons avec le contact de la chargée du studio ainsi qu’un rendez-vous pour capter une émission et interviewer les critiques cinémas présents. Que demande le peuple ? Sûrement quelques soirées croustillantes à investir de la même manière… ce qui ne tardera pas à se produire je vous l’assure !

Si les cinéphiles, eux, ont un certain regard, nous avons un certain culot.

Julia & Juline

He CANNES do it! -Interview de Simon Chevalier- #1

« Provoquer son destin », telle est la phrase de Simon Chevalier que j’ai retenu durant l’interview. Blogueur pour le site French Ciné tv, Simon est quelqu’un de très motivé, souriant et généreux. Il a accepté de répondre à mes questions afin que vous puissiez mieux connaître son parcours, son travail et surtout son rôle au festival de Cannes. Le 4 Mai, je l’ai rencontré pour la première fois au parc De Ladoucette à Drancy, une ville située à quelques kilomètres de Paris. Par des anecdotes et des conseils, Simon parle ses projets, de ses expériences dans le champ médiatique et du rêve de sa vie : Le Festival de Cannes.

La prochaine fois, nous le retrouverons à Cannes pour retracer son aventure et en faire le bilan. Entre une préparation rigoureuse à Paris et de possibles imprévus à Cannes, son séjour sur la Croisette s’annonce riche en surprises et ne risque pas d’être de tout repos !

Wendy Hajnala

 

FICHE TECHNIQUE :

Date : Le 4 Mai 2018

Lieu : Parc De Ladoucette (Drancy)

Interviewé : Simon Chevalier

Appareils : Iphone 6 / Sony a3000

Musique : Crazy de Dizaro

Aide Montage et Cadrage : Benjamin Noisette

Logiciel de montage : Pinnacle Studio 16 Ultimate

Réalisation : Wendy Hajnala

 

La tapis rouge foulé par 82 femmes engagées

Cinq jours après la cérémonie d’ouverture de cette 71ème édition du Festival de Cannes, 82 actrices, scénaristes, réalisatrices et professionnelles du cinéma se sont réunies pour une montée des marches inédite dédiée à la condition féminine et plus particulièrement aux inégalités salariales persistants dans l’industrie du cinéma. On y retrouvait Salma Hayek, Marion Cotillard, Léa Seydoux, Zabou Breitman, Ava Duvernay, … Une disparité conséquente, contre laquelle toutes ces grandes dames du cinéma se sont mobilisées lors de la projection du film Les Filles du Soleil au Palais des Festivals.

Le nombre de 82 n’est pas le fruit du hasard, puisqu’il s’agit du nombre exact de films retenus en compétition pour la Palme d’Or réalisés par des femmes depuis la toute première édition du Festival. Pour ne pas déroger à la règle, cette année encore on ne compte que trois films réalisés par des femmes sur les vingt-et-un en lice pour la Palme d’Or. Rappelons aussi qu’il y a seulement eu deux lauréates de ce prix (contre 71 réalisateurs), à savoir Jane Campion, récompensée en 1993 pour son film La leçon de piano, ainsi qu’Agnès Varda pour l’ensemble de sa carrière en 2015.

C’est sous un soleil timide que le cortège entièrement féminin commence son ascension vers la salle Lumière. Il marque un arrêt à la moitié des marches dans un silence symbolique. A la suite de quoi, Cate Blanchett, actrice et présidente du jury, lit une déclaration commune avec la doyenne du cinéma français, la cinéaste Agnès Varda. Un discours percutant, conclu par ces mots:

« Allons-y, montons les marches »

Une dernière phrase exprimée avec assurance qui démontre la détermination et la volonté de toutes les femmes d’être reconnues à leur juste valeur dans leur profession.

Malgré le film décevant d’Eva Husson, cette montée unique restera l’un des temps forts de ce festival. 

Martin Scorsese récompensé par le Carosse d’Or

Aujourd’hui âgé de soixante-quinze ans, Martin Scorsese continue de marquer l’histoire du cinéma. Le 9 mai dernier, la Société des réalisateurs de films décernait à cet habitué du Festival de Cannes le Prix du Carrosse d’Or, s’exprimant ainsi dans son communiqué de presse : « En 2018, pour son 50ème anniversaire et la 50ème édition de la Quinzaine des réalisateurs, la SRF est fière de saluer un cinéaste d’exception et une source d’inspiration intarissable : Martin Scorsese ». Retour sur un parcours hors du commun.

Le Prix du Carrosse d’Or a été décerné à Martin Scorsese durant la cérémonie d’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs suite à la projection de son film Mean Streets, un film significatif dans la carrière du cinéaste, déjà révélé une première fois à la Quinzaine des réalisateurs en 1974. Ce prix, créé en 2002, prend le nom de « Carrosse d’or », en hommage au long-métrage éponyme du réalisateur Jean Renoir, sorti en 1953. Il récompense les réalisateurs pour leur audace, la qualité de leurs productions ainsi que les idées novatrices apportées au monde du cinéma. L’année précédente, le prix avait été décerné au réalisateur allemand Werner Herzog.

En ce qui concerne la Quinzaine des réalisateurs, il semble important de rappeler qu’il s’agit d’une sélection indépendante du Festival de Cannes, formée par la Société des réalisateurs de films (S.R.F.) à la suite des mouvements de Mai 1968 et à l’annulation du festival, cette même année. L’objectif était de faire découvrir des films internationaux aux thèmes éclectiques, dans un esprit de non compétition. Le célèbre critique de cinéma Edouard Waintrop en est, depuis juillet 2011, le délégué général.

Martin Scorsese est donc à l’honneur de cette 50ème édition, revenons sur son riche parcours au Festival de Cannes. Tout commence en 1974, avec le succès de son film Mean Streets révélé à la Quinzaine des réalisateurs. Deux années plus tard, en 1976, Taxi Driver obtient la Palme d’Or entraînant un engouement pour le film et son réalisateur. Les prix s’enchainent. La mafia italienne reste un sujet très récurrent dans les longs métrages du cinéaste. 1986 est une année importante puisqu’il remporte le prix de la mise en scène avec sa comédie After Hours. Il préside le jury du Festival de Cannes en 1998, l’année où la Palme d’Or est attribuée au film L’éternité et Un Jour de Theodoros Angelopoulos. Il est, par la suite, président du jury des courts métrages en 2002.

Actuellement en cours de réalisation, son prochain film, The Irishman devrait sortir sur la plateforme Netflix en 2019. Plus récemment, Martin Scorsese, aux côtés de Cate Blanchett, a annoncé l’ouverture officielle de la 71e édition du Festival de Cannes.

Les filles du soleil : la cause des femmes ne méritait pas ça !

 

Les plus mauvais films, comme l’enfer, sont pavés de bonnes intentions. C’est le cas des Filles du soleil, deuxième long-métrage d’Eva Husson, que l’on peut considérer comme le premier vrai crash de la sélection officielle.

 

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Image du film Les filles du soleil.

Sur le papier, tout était parfait : une production confortable, avec des helicos, des vues aériennes, des décors de scènes de guerre très réalistes, un casting à la fois glamour et intello-compatible (Golshifteh Farahani et Emmanuelle Bercot en têtes de gondole). À l’arrivée, Eva Husson livre un film boursouflé, suffisant, qui pérore sur le courage des femmes en faisant allègrement l’impasse sur la complexité de la situation qu’il décrit.

Passons sur les scènes qui traînent en longueur, les lumières esthétisantes, le vent toujours opportun qui place les mèches de Golshifteh Farahani comme dans une publicité L’Oréal… le plus grave au fond, c’est que Les filles du soleil ne traite pas son sujet. On est dans la zone turco-syrienne, où les combattantes kurdes livrent un combat sans merci contre Daech… sauf que nous pourrions être partout ailleurs, le film serait le même. Car Eva Husson semble ne pas s’intéresser à son sujet, trop passionnée, au fond, par son ode féministe portée par des textes ampoulés (aïe le texte final !) et une musique au lyrisme envahissant et quasi totalitaire. L’état islamique n’est jamais nommé, remplacé pudiquement par « les extrémistes », pour ne prendre aucun risque… C’est tellement plus facile de faire de belles images d’attaques à l’aube, où l’on montre que les femmes, aussi, savent se battre. Erreur fondamentale d’un féminisme bas-de-gamme qui n’a que trop cours ces derniers mois : il faut absolument montrer que les meufs ont des couilles mais qu’elles sont sensibles quand même…

Et pour mener ce combat, qui intéresse davantage la réalisatrice que la guerre en Syrie, c’est l’artillerie lourde qu’elle déballe : un symbolisme d’une lourdeur de pachyderme (ah l’accouchement sur la frontière !, la journaliste borgne prénommant sa fille Iris !), des dialogues définitifs (« si nos seins faisaient couler du pétrole plutôt que du lait, la coalition aurait bombardé plus vite »), le surjeu permanent (Golshifteh Farahani ne peut rien dire sans prendre un air de tragédienne, en Emmanuelle Bercot ne peut pas faire la journaliste sans jouer Albert Londres).

Tout cela est confondant de naïveté, de lourdeur et pour tout dire de grotesque, et ce film n’a strictement rien à faire en compétition. On ne peut que soupçonner derrière sa sélection un bon coup de com’, qui fait partie du package avec la montée des marches des 82 femmes.

Ne mélangeons pas tout, la com’ n’a en général rien à voir avec l’art. Et les plus belles causes devraient veiller à qui les défend.

La rédaction

Todos Los Saben : Le thriller psychologique espagnol ouvre la cérémonie

Le couple Cruz/Bardem se réunit autour de ce sombre chef d’œuvre, aux apparences festives, dirigé par le réalisateur Iranien Asghar Farhadi. C’est un réel renouveau qui s’effectue pour le 71ème Festival de Cannes qui n’avait pas projeté, en ouverture, de film non anglophone ou francophone depuis 2004 !

 

Un réalisateur obsédé par la condition humaine

Auteur du drame La Séparation, dont vous avez forcément, au moins, entendu parler, et qui lui a valu de nombreuses récompenses – un Ours d’or, un César et un Oscar – Farhadi semble être fasciné par la tragédie universelle qu’est celle de l’homme. Inutile de dire que gaité, strass et paillettes ne font pas partie de son univers cinématographique qui se focalise plus sur le désordre social que sur toute autre chose. Entre mensonges, rancunes et ombres douteuses qui planent, le réalisateur de Todos Los Saben resserre son étau de plus en plus fort autour de ce drame familial. Tout en faisant preuve d’une réelle douceur, le talent d’Asghar Farhadi consiste à nous faire plonger au plus profond des abysses des enfers psychologiques.

 

A la conquête de la Palme d’Or :

Quelque part dans les vignobles espagnols, une famille est déchirée, et en proie à des conflits moraux. Laura, jouée par la sublime Pénélope Cruz, revient dans son village natal pour le mariage de sa sœur, avec ses deux enfants et sans son mari ; elle y retrouve son ancien amant, interprété par Javier Bardem. Les ennuis commencent ! C’est alors que le vrai drame intervient : l’enlèvement de Clara, sa fille.

Le synopsis que Farhadi propose est très prometteur lorsque l’on connaît le style du réalisateur. Cependant, pour certaines critiques, il revêt des allures de ‘déjà vu’, qui renvoient à certaines télénovelas ou même à d’autres longs métrages, et de ce fait le rend assez prévisible. Entre crime et romance, le duo saura-t-il convaincre le jury ? Et bien ça, personne ne le sait!

 

 

 

 

 

 

 

Quelques changements pour cette 71 ème édition

Le selfie c’est fini, adieu Netflix pour la compétition et bonjour à l’Arabie Saoudite sur le tapis.

Les selfies sont désormais interdits sur le tapis rouge car d’après  le délégué général du Festival de Cannes Thierry Frémaux, ceux-ci causeraient beaucoup de troubles. Il avait déjà en 2015 invité les célébrités à moins, voir pas du tout, utiliser cette pratique qu’il considère comme « ridicule et grotesque ». Cannes est une ville de paillettes et encore plus pendant cette période de l’année, elle mélange art et élégance, on se doit de bien se tenir. Le directeur général rappelle que les photographes sont là pour faire leur travail et qu’une photo prise par l’un d’eux et un selfie n’ont pas la même portée puisque le selfie apporte une certaine proximité, alors que la photo rend la montée des marches encore plus unique.

L’an dernier était présenté en compétition un film présent sur la plateforme Netflix, Okja, permettant ainsi de le faire découvrir au public sous une plus grande envergure. Cette année, il sera désormais impossible pour un film faisant partie de la plateforme de participer à la compétition car selon le règlement du festival, un film présenté en compétition doit par la suite sortir en salles, ce à quoi Netflix se refuse. Les longs métrages de la plateforme pourront cependant être présenté hors compétition.

Petit changement également du côté des journalistes qui se voient obligés de changer leur façon de travailler puisqu’il leur est désormais impossible de découvrir les films de la sélection avant tout le monde, mais lors des premières mondiales, afin de redonner un petit coup de punch aux soirées de gala.

L’Arabie Saoudite aura l’occasion de faire sa première apparition lors de cette 71ème édition du Festival de Cannes, ils présenteront en tout 9 courts métrages. Cette démarche vise à mettre en avant le plan nommé « Vision 2030 », qui contribuerait à la diversification d’une économie encore trop sous l’influence du pétrole. L’héritier Saoudien Mohammed Ben Salmane, a pour projet d’ouvrir des salles de cinéma, après 35 années d’interdictions, qui profiteraient donc au 30 millions d’habitants.

Comprendre le Festival de Cannes en 3 minutes

Petit récapitulatif de Cannes, son principe et son histoire pour celles et ceux qui chaque année sont perdus face à toute l’agitation culturelle que représente ce festival de cinéma.

Le Festival de Cannes est le festival de cinéma le plus médiatisé au monde, récompensant une poignée de films parmi une large sélection établie par un jury de professionnels. Chaque année pendant douze jours, le monde tourne autour de cet événement qui met en avant jeunes talents comme légendes du cinéma, robes comme smokings, le tout sur des marches tapies de rouge (pour l’instant je ne vous apprends rien).

Il est né d’une envie de consolider la culture française mais surtout de créer une compétition internationale de films indépendante politiquement, face à une jeune sélection internationale italienne – la Mostra de Venise – qui œuvre sous la pression d’un gouvernement fasciste. Pour l’anecdote, la première édition du festival cannois aurait dû avoir lieu le 1er septembre 1939 mais a été annulée suite à l’invasion des troupes allemandes en Pologne. La première réelle édition n’aura lieu qu’en 1946 dans l’ancien casino de Cannes, sous l’impulsion du Ministère des affaires étrangères et de la ville.

Indépendant politiquement, c’est un festival qui se veut engagé, avec des films qui font parfois scandale comme le documentaire Nuit et Brouillard d’Alain Resnais, retiré de la sélection officielle de 1957 et classé hors compétition à la demande de l’ambassade d’Allemagne ; la critique de la société de consommation dans La Grande Bouffe de Marco Ferreri (1973) huée lors de sa présentation ; ou plus récemment le très controversé Irréversible de Gaspar Noé (2002). A noter également le Festival de Cannes de 1968 où les grands noms du cinéma (François Truffaut, Jean-Luc Godard, Claude Lelouch pour ne citer qu’eux) s’étaient mêlés au mouvement étudiant, ce qui avait interrompu le déroulement du festival.

Image prise lors du festival de cannes 1968 où des réalisateurs emblématiques avaient soutenu la cause étudiante.

Un méli-mélo de sélections

Lors de ses douze jours de gloire, le Festival de Cannes est une véritable fourmilière. Avec l’ampleur qu’il a su prendre durant toutes ces années, il compte dorénavant plusieurs sélections : la sélection officielle comprenant les films en compétition, ceux hors-compétition et la sélection parallèle d’un certain regard, qui récompense des réalisateurs peu connus et audacieux.

La Quinzaine des réalisateurs est également une sélection parallèle mais indépendante du festival, qui chaque année prône une liberté dans les choix de films, voulant être « sans contraintes idéologiques ni techniques et représentative des cinémas du monde ». Comme la Quinzaine, la Cinéfondation est une sélection annexe, qui met en avant de nouveaux talents. Chaque année, elle sélectionne de quinze à vingt courts et moyens métrages présentés par des écoles de cinéma de tous pays.

Mais alors parmi toutes ses sélections, quels sont les films éligibles aux prix les plus prestigieux comme la Palme d’Or ou le Grand Prix ? Ce seront seulement la vingtaine de films en compétition qui pourront être récompensés lors de la cérémonie de clôture par la majorité des prix décernés à Cannes. Cependant, les autres sélections ont chacune un unique prix à décerner, pour récompenser des films qui n’auraient peut-être pas eu leur chance en sélection officielle.

Un peu moins perdu ? Si vous voulez creuser un peu plus dans les détails, on vous conseille de vous renseigner sur ceux qui tâchent d’organiser ce grand festival cinématographique chaque année, les réalisateurs de l’édition 2018, les scénarios des films présentés… Et bien sûr voir notre présentation du jury 2018 !

Godard, façon puzzle

Jean-Luc Godard détesterait sans doute ce titre, tant tout le sépare du dialoguiste des Tontons flingueurs. Avec son dernier film, le moins que l’on puisse dire est que l’écart se creuse. Pape de la Nouvelle vague, attaché à l’histoire du Festival de Cannes dont il contribua à fusiller l’édition 68 et dont un photogramme de Pierrot le fou fournit aujourd’hui la sublime affiche, Godard présente en compétition Le livre d’image, un dernier opus crépusculaire, lucide et quasi testamentaire.

Alors que Film socialisme, présenté en 2010, nous avait laissé perplexes, Godard est ici à son meilleur. Evidemment, Le livre d’image ne fera pas un grand succès en salles, mais qu’importe : l’histoire du cinéma emprunte d’autres chemins. Car le film présente la quintessence de la dernière période du cinéma de Godard (on est loin de « Tu les aimes mes fesses ? »), un cinéma abondamment réflexif, méditatif, philosophique, réfléchissant au plus juste sur les rapports entre l’image et ce qu’elle représente. Car non, le titre n’est pas une faute d’orthographe : « image » est bien au singulier, comme pour signifier qu’il s’agit de réfléchir à l’image en général, en tant que matériau, objet, dispositif, et non « aux images ». Dans ce film court (1h20), ciselé, incroyablement discontinu, Godard livre en plusieurs chapitres quelques leçons essentielles sur ce que l’image dit des hommes, d’une civilisation qui s’éteint, d’une Europe qui meurt (on pense parfois à la chanson « L’Europe » de Noir désir).

Le livre d’image est extrêmement sombre, dont le cœur du propos tourne autour de la violence, de la violence perpétrée et de la violence montrée. C’est au spectateur d’assembler les pièces disséminées du puzzle, de faire le rapport entre les extraits de films de cinéma et les vidéos de Daesh. Dans ce grand fourre-tout qui échappe pourtant au bordel, Godard dresse le portrait de notre culture visuelle devenue totalement protéiforme, mélangeant pour décrire les comportements humains les archives, le cinéma, la télévision, les images de téléphone mobile. Le livre d’image est un collage, un film difficile car il mobilise sans cesse l’intelligence et la vigilance du spectateur, en interrogeant la façon dont se fabrique sa mémoire visuelle, passant sans cesse de la réalité à l’imaginaire. Un peu comme les collages surréalistes de Tzara, le film laissera dubitatifs ceux qui résisteront à se laisser embarquer.

Comment fixer la forme d’un tel ovni ? En ne la fixant pas, justement. « Ceci est un film », c’est notre seule certitude. Un objet à mi-chemin entre le cinéma et l’art contemporain, une sorte d’essai filmique dont l’atomisation formelle répond à coup sûr à l’atomisation du monde dont elle est le signe. A la fin du parcours, Godard convoque Brecht dont il cite une réflexion sur le fragment : pour le dramaturge, le fragment était ce qui se rapproche le plus du geste de la création. S’essayer à la forme brève, au collage, à la discontinuité, c’est faire de la pensée et de l’image des explosantes fixes. Ironie de l’histoire : Le livre d’image est projeté à Cannes le jour où s’éteint Gérard Genette, figure indépassable de la narratologie. A sa manière, Godard lui fait un clin d’œil.

La rédaction