Después de Lucía

Une histoire d’une réalité brute, une image des adolescents digne de « Lord of the Flies ». Visionner un film comme « Après Lucía » donne carrément l’impression d’avoir un « avant » et  « après » autour de cette expérience.

Le deuxième film mexicain qui a crée des discutions à Cannes s’est annoncé dans la sélection pour « Un certain regard ». Pourtant il reste à l’opposé de « Post Tenebras Lux », puisque les réactions ont été plutôt positives malgré le sujet qui ne semble pas du tout optimiste. Il s’agit donc du déménagement d’un père de famille et sa fille après la mort regrettable de la figure maternelle cachée, Lucía. Roberto et Alejandra, les deux personnages principaux semblent alors être dans un état particulièrement sensible,  lui ayant des crises de solitude pendant qu’elle, dans un pacte silencieux avec soi-même, refuse de discuter sa condition avec ses proches.

Une fois arrivée dans son nouveau lycée, Alejandra réussit bientôt se faire remarquée parmi les élèves les plus « populaires » de l’école. Dans un essai d’intégration, elle participe à une « house party » où elle fait l’erreur (pseudo-voulue) de se laisser filmée en faisant l’amour avec un garçon du groupe, José, la « propriété » d’une autre fille du groupe. Dans des circonstances inconnues la vidéo devient virale dans l’école et le vrai cauchemar s’installe dans la vie déjà troublée d’Alejandra. On retrouve la preuve de la méchanceté dans son état pure, collée à une frustration qui ne cessera pas que dans les 10 dernières minutes.

Un vrai système d‘ hommages se met alors en place : de la part de Roberto, le père qui, malgré être dans un sale état de dépression est toujours là pour soutenir sa fille ; plus marquant, de la part d’une jeune fille qui se laisse moquée dans les pires conditions pour soulager son père. Alejandra est exposée à des épreuves de torture pure cause de ses faux amis pour une erreur infantile. Cependant, elle ne semble jamais perdre sa candeur, sa fierté et sa dignité. On la voit toujours la plus proche de nous, métaphoriquement mais aussi physiquement dans un gros plan sublime (le seul, d’ailleurs), le reste des personnages se perdant dans l’énorme profondeur de champ choisie par Michel Franco.

Le film touche l’apogée lors d’un voyage de classe à  Veracruz où l’empathie pour Alejandra ne peut pas aller plus loin, et on est donc prêts de la quitter et la laisser chercher son indépendance. Chargé de la justice (un choix inattendu de soulagement par Franco qui desservit aussi le poste de scénariste) Roberto calme l’atmosphère  par une activité qu’autrement semblerait immorale.

Un goût amer n’est pas forcément associé à une expérience amère. On pourrait donc conclure que le mythe de Lucía sommes nous, les spectateurs. Franco nous met dans une position privilégiée qui mérite d’aller voir son film dans une salle de cinéma puisqu’on sortira sûrement avec « Un Certain Regard » dans la poche.