Fatma Hassona : Une héroïne au destin tragique

Le 15 avril dernier, l’ACID a dévoilé la sélection du Festival de Cannes 2025, marquée par la présence bouleversante de Fatma Hassona, héroïne d’un documentaire palestinien dont le destin tragique résonne bien au-delà du cinéma.

Qu’est-ce que l’ACID ?

L’ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) est une association française fondée par des cinéastes, qui œuvre à la promotion et à la diffusion du cinéma indépendant. Chaque année, elle propose une programmation parallèle lors du Festival de Cannes, mettant en avant des films sans distributeur français, des premiers longs-métrages et des œuvres singulières, choisies par des réalisateurs eux-mêmes

Un film présenté à Cannes

En avril 2025, l’ACID annonce présenter en ouverture du festival le documentaire Put Your Soul on Your Hand and Walk de la réalisatrice franco-iranienne Sepideh Farsi. Ce film, coproduit entre la France, la Palestine et l’Iran, plonge le spectateur dans la vie quotidienne à Gaza à travers le regard et la voix de Fatma Hassona, jeune photojournaliste palestinienne. Le film est construit autour des échanges vidéo entre la réalisatrice, bloquée à l’extérieur de Gaza, et Fatma, qui devient ses yeux et sa fenêtre sur l’enclave assiégée.

Ce que raconte le film

Put Your Soul on Your Hand and Walk documente la réalité de la guerre à Gaza depuis octobre 2023, à travers la vie de Fatma Hassona. Elle y témoigne de l’horreur des bombardements, des déplacements forcés, de la survie quotidienne, mais aussi de la dignité et des moments de lumière au cœur du chaos. 

Des conditions de tournage extrêmes

Le tournage du film s’est déroulé dans des conditions d’extrême précarité. Gaza est coupée du monde, inaccessible aux journalistes étrangers, et soumise à des bombardements constants. Les échanges entre la réalisatrice et Fatma se font via des appels vidéo, souvent interrompus par les coupures de réseau ou les frappes aériennes. La réalisatrice confie avoir filmé au gré des rares moments de connexion, sans savoir si Fatma serait encore en vie le lendemain.

Quelques jours plus tard : l’assassinat de Fatma Hassona

Le 16 avril 2025, à peine un jour après la sélection officielle du film à Cannes, Fatma Hassona, âgée de 25 ans, est tuée avec dix membres de sa famille lors d’un bombardement israélien sur leur immeuble à Gaza. Diplômée en multimédia, Fatma documentait inlassablement le quotidien des Gazaouis, partageant sur les réseaux sociaux des images de la vie sous les bombes, jusqu’à ses derniers instants. Sa mort a rapidement fait le tour des réseaux sociaux devenant un symbole de l’horreur que subisse les gazaouis, seulement un moi avant la projection de son film.

Réaction du Festival de Cannes et de l’ACID

La nouvelle de la mort de Fatma Hassona bouleverse le Festival de Cannes et l’ACID, qui lui rendent hommage dans des communiqués poignants. « Nous avions programmé un film où la force de vie de cette jeune femme tenait de l’ordre du miracle. Ce n’est plus le même film que nous allons porter, soutenir et présenter dans toutes les salles, en commençant par Cannes. Nous tous et toutes, cinéastes et spectateurs.rices, devons être dignes de sa lumière », déclare l’ACID.

Ce drame rappelle le précédent du Festival de Cannes 2024, marqué par la présentation du film iranien The Seed of the Sacred Fig de Mohammad Rasoulof. Ce long-métrage, tourné clandestinement en Iran, mêle fiction et images réelles des manifestations réprimées après la mort d’une jeune femme, et raconte la déchirure d’une famille confrontée à la répression du régime. Comme pour Fatma Hassona, la création de ce film s’est faite dans des conditions extrêmes : Rasoulof, menacé de huit ans de prison pour sa prise de parole artistique, a dû fuir l’Iran clandestinement juste avant la présentation de son œuvre à Cannes, tandis que d’autres membres de l’équipe sont restés sous la menace dans leur pays

Dans les deux cas, Cannes a servi de tribune internationale pour porter la voix de ceux qui risquent leur vie pour témoigner de la réalité de leur peuple. Que ce soit à Gaza avec Fatma Hassona, assassinée après avoir documenté la guerre, ou en Iran avec Mohammad Rasoulof, contraint à l’exil pour dénoncer la violence d’État, ces films rappellent la puissance du cinéma comme acte de résistance et de mémoire face à la tragédie et à l’injustice.

Mais face à la multiplication des conflits et des crises, quelle est aujourd’hui la véritable portée du Festival de Cannes et, plus largement, du cinéma dans la couverture des horreurs du monde ? Le festival, fort de son rayonnement médiatique et de son engagement historique pour la liberté d’expression, offre une visibilité unique à des voix souvent réduites au silence dans leur pays d’origine. Pourtant, alors que les images et les récits affluent sur les écrans, la question demeure : jusqu’où le cinéma peut-il réellement influer sur la conscience collective, mobiliser l’opinion internationale ou changer le cours de l’histoire ? Cannes demeure-t-il un simple miroir des tragédies humaines ou peut-il encore être un acteur majeur dans la transmission, la compréhension et la reconnaissance des drames contemporains ?

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