Deux d’entre nous ont eu la chance de rencontrer un habitué du Festival de Cannes, et un professionnel du cinéma. En exclusivité pour Clap 8, la retranscription de son interview, pour vous donner un aperçu de ce qu’est le marché du film, ainsi que les bouleversements que subit l’univers cinématographique et pour finir, son activité professionnelle.
Pouvez-vous nous parler du Marché du film du Festival de Cannes ?
Les gens connaissent principalement du Festival de Cannes, les projections, le côté glamour, les stars, les réalisateurs, les compétitions officielles et parallèles. Cependant, si le Festival est un grand succès c’est aussi parce qu’il comporte une importante partie business derrière ce qu’on appelle le marché du film, c’est à dire des acheteurs et vendeurs du monde entier, qui se retrouvent pour vendre ou acheter des films.
Ce « business » explique la présence de nombreux professionnels. Un badge « noir » (le nôtre pour Clap 8 était jaune) donne accès à toutes les projections du marché du film qui ont lieu dans 7 ou 8 salles du Festival, ainsi que dans les cinémas de Cannes. Le principe : les acheteurs regardent généralement les 10 premières minutes d’un film et estiment si cela peut intéresser le public, et, en fonction du succès que le film pourrait avoir, le prix de vente varie. C’est un des plus gros marché du film au monde mais, malgré cela, Cannes est surtout connu du grand public pour la Palme et les montées des marches.
Les distributeurs achètent un film en fonction du succès qu’il peut avoir auprès du public ?
Oui, s’ils peuvent faire de l’argent dessus, ils sont prêts à investir ! Tout est une question monétaire. Avec l’arrivée du piratage, les films sont beaucoup moins distribués sur des supports physiques. Cela engendre des revenus plus faibles. Il n’y a jamais eu autant d’images, et pourtant la profession ne s’est jamais aussi mal portée… Comme l’industrie du disque qui a été laminée par le téléchargement.
Pensez-vous que seules les plus grosses boites de production peuvent continuer leur activité ?
Pas que les plus grosses, mais on observe une tendance au regroupement. Tout ce qui est cinéma indépendant, c’est vrai que c’est fini… Les majors peuvent encore produire des films indépendants mais les indépendants n’ont plus de moyens, parce qu’il n’y a plus de revenu. Je ne peux pas prédire ce qui va se passer plus tard, ça a tellement changé en à peine quelques années, il y a eu énormément de bouleversements. C’est un milieu qui est en évolution permanente, qui subit les mêmes difficultés que le milieu de la musique.
Vous venez chaque année au Festival de Cannes, mais en quoi consiste votre métier ?
Avant, je travaillais dans un laboratoire ( les techniques d’un laboratoire cinématographique sont les nombreuses étapes permettant d’aboutir à l’élaboration d’un film ) dans lequel j’étais en charge à partir des éléments venant des rushs du film de faire le montage, de m’occuper de la gestion colorimétrique, du mixage son, ainsi que tous les éléments qui vont être déclinés pour un support DVD, blue ray …
Tout ceci nécessite du travail, nous sommes les hommes de l’hombre. Cela représente toute une logistique. Aujourd’hui c’est une profession qui est très concurrencée, car des gens chez eux peuvent à peu prés faire les mêmes fichiers que les laboratoires. Nous faisons face à une concurrence de l’étranger que l’on avait pas avant.
Et aujourd’hui que faites-vous ?
J’ai dû évoluer vers autre chose, car il y a eu des licenciements et beaucoup de sociétés n’existent plus à présent. Je suis en train de me reconvertir dans tout ce qui est prises de vue aérienne. Je passe de la postproduction à la production. Ce sont des vues aériennes par drones. J’ai eu l’opportunité avec des amis de prendre en charge ce projet.
Les prises de vues par drone sont extrêmement réglementées ; la direction générale de la maison civile, a donné des agréments à 2400 sociétés en France, et cela représente énormément de monde. C’est un secteur déjà très concurrentiel.
Je travaille aussi bien sur la prise de vue pour le cinéma et la télévision que pour des événements sportifs par exemple. On a quand même couvert, le rallye Dakar, en argentine deux fois, donc c’est pas une mince affaire ! On peut aussi travailler pour des structures privées afin de contrôler par exemple des éoliennes, ce qui constitue une partie un peu plus industrielle. Ou encore pour le compte d’une mairie, nous pouvons filmer des bâtiments ou un chantier. C’est une activité très variée.
Que faites vous au Festival de Cannes ? Vous êtes ici pour votre activité, ou pour en profiter ?
Ici, je garde contact avec mes anciens collègues, clients ou fournisseurs. Je cherche aussi et surtout des prospects sur la partie drone. Mais Cannes s’est aussi la fête du cinéma et j’héberge une armée d’amis à la maison, et j’essaye d’en profiter un petit peu !
Camille Petit Gas & Lucile Morel