Francis Ford Coppola au Festival de Cannes

Le parcours de Francis Ford Coppola et l’histoire du Festival de Cannes sont intimement liés. Prétendant insoupçonné en 1974, souverain contesté en 1979 et roi déchu en 2024, le réalisateur américain a durablement bouleversé la compétition cannoise.

1967 : Baptême du feu

Âgé de 28 ans, Francis Ford Coppola est encore étudiant en cinéma. Cependant, malgré son statut, il écrit et réalise des films. Alors qu’il se trouve en France pour travailler sur Paris brûle-t-il ? , il utilise son temps libre pour écrire le scénario d’un long-métrage qu’il réalisera à son retour aux États-Unis. Par la même occasion, il décide d’en faire son projet de fin d’études. Ce film, Big Boy, est sélectionné pour la 20e édition du Festival de Cannes. Coppola devient alors le premier étudiant de l’histoire du Festival à participer à la Compétition officielle. Sur la Croisette, des rumeurs attribuent le Prix du meilleur nouveau metteur en scène à Coppola. Tout excité, il annonce la nouvelle à ses parents, sans se douter que le résultat sera tout autre. Cette première expérience cannoise laisse un arrière-goût amer au réalisateur, qui sera nettement plus mesuré les années suivantes.

1974 : Couronnement

Lorsque Francis Ford Coppola arrive sur la Croisette en 1974, son statut n’est plus le même que sept ans auparavant. Avec les trois Oscars remportés pour Le Parrain (1972), il est désormais un réalisateur établi. Néanmoins, la compétition s’annonce tout aussi rude pour cette 27e édition du Festival. Aux côtés d’artistes de génie comme Pier Paolo Pasolini, Robert Altman, Hal Ashby ou Rainer Werner Fassbinder, Coppola fait figure d’outsider avec Conversation secrète, une œuvre bien plus expérimentale et confidentielle que son précédent succès. Pourtant, à la surprise générale, le Grand Prix lui est décerné. Il devient alors le dixième réalisateur états-unien à recevoir la récompense suprême et grave son nom dans le marbre de la compétition.

1979 : Consécration

Cinq ans après Conversation secrète, Coppola est de retour sur la Croisette dans des circonstances hors du commun. Après un tournage de quatorze mois dans la jungle philippine, le doublement du budget initial et une crise cardiaque de l’acteur principal Martin Sheen, la présence d’Apocalypse Now au Festival de Cannes relève presque du miracle. Il est d’ailleurs diffusé dans une version provisoire (Work in Progress), tant les exigences artistiques de Coppola ont retardé la postproduction. Lors de la traditionnelle conférence de presse, il présente son long-métrage non pas comme un « film sur le Vietnam », mais comme « la guerre du Vietnam tel qu’elle était ».

Bien que le film soit apprécié du jury, Françoise Sagan, qui le préside, avoue s’être ennuyée devant ce blockbuster à 31 millions de dollars. Sa sensibilité, ainsi que celles des autres jurés, est davantage titillée par Le Tambour de Volker Schlöndorff, qui file vers la Palme d’or si l’on en croit le vote préliminaire réalisé la veille de la cérémonie finale. Mécontent de la situation, en raison du manque à gagner médiatique en cas de défaite d’Apocalypse Now, le président du Festival Robert Favre Le Bret convainc les jurés de revoir leurs intentions de vote, au grand désarroi de la présidente. Furieuse, cette dernière prend la décision de quitter le Festival avant même son dénouement. Afin d’éviter tout scandale, un compromis lui est proposé : une Palme d’or ex æquo. Par conséquent, deux films sont sacrés lors de cette 32e édition du Festival de Cannes. Bien qu’il ne la considère que comme une « demi-Palme d’or », Francis Ford Coppola réalise l’exploit inédit de remporter une seconde fois la récompense suprême et cimente définitivement son héritage cannois.

2024 : Déchéance

Après une présidence du jury lors de la 49e édition et quelques apparitions ponctuelles Hors Compétition, Francis Ford Coppola signe son retour En Compétition, quarante-cinq ans après sa dernière participation. Comme en 1979, le contexte entourant son long-métrage suscite une attente démesurée. Il débarque sur la Croisette pour présenter le projet d’une vie : un film dont le scénario a maturé pendant plus de quarante ans et pour lequel il a investi, de sa propre poche, 120 millions de dollars. Marquer l’histoire du cinéma en remportant une troisième Palme d’or avec une œuvre aussi symbolique représenterait un aboutissement artistique ultime. Néanmoins, les films présents à Cannes ne sont pas jugés sur le storytelling entourant leur participation, et les jurés s’accordent sur le fait que Megalopolis ne mérite aucune des six récompenses décernées à un long-métrage. Une des figures les plus importantes du Festival de Cannes doit quitter la 77e édition par la petite porte…

Après la déception de 1967, la surprise de 1974 et la controverse de 1979, Francis Ford Coppola a vécu son premier véritable échec cannois l’année dernière. Pour autant, il ne faut pas oublier que ses œuvres ont durablement marqué l’histoire du Festival de Cannes. Peu d’artistes auront autant bouleversé la compétition et offert une histoire aussi mouvementée. Aussi bon scénariste soit-il, jamais Francis Ford Coppola ne nous aura livré meilleur récit que celui de son aventure cannoise.

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