Le train sifflera trois coups

Le train sifflera trois coups

Un TGV matinal file vers Cannes ce matin. Dans les allées, la voiture-bar, ça parle cinéma, en essayant de résister aux déséquilibres inévitables dus à la grande vitesse. À croire que toute la planète cinéma s’est donnée rendez-vous dans ce train. Comme si Paris se vidait de sa population médiatique et cinématographique le temps de la parenthèse cannoise. Ça caquette, ça évoque les films, les projets en cours, les montages de co-production, les financements difficiles, les achats de films. Dans ce train commence peut-être à se jouer la fabrication des films de Cannes 2020. L’excitation est à son comble.

Une règle. Ne pas trop entrer dans le détail de ce qu’on va voir. Jouer le jeu de la curiosité et du mystère. Ne pas éplucher les papiers déjà écrits sur quelques films, et ne s’appuyer que sur des éléments visuels pour l’instant peu nombreux pour nourrir notre appétit de spectateur. Juste quelques images qui donnent envie. Comme celles des line-ups des producteurs et distributeurs. Les expressions des acteurs interrogent, les paysages entraînent, les cadres installent déjà une ambiance, une âme peut-être.

Le visage crispé de Virginie Efira chez Justine Triet, la beauté de la lumière sur celui d’Adèle Haenel chez Céline Sciamma, le noir et blanc carré de Tarantino, le charisme du jeune acteur des Frères Dardenne, les cadres millimétrés en plongée d’Elia Suleiman, les couleurs du Brésil du Bacarau de Mendonça Filho, le chromos d’Almodovar, la tension des visages loachiens.

Dans ce mystery train ce matin, nous n’avons en main que quelques éléments d’un kaléidoscope, qui jouent le rôle d’une carte de restaurant. Ne rien savoir de plus sur tous ces films. Se servir juste de ces quelques signes pour guider nos envies de cinéma et, indépendamment de toute critique et de tout média, se laisser aller à l’envie pure de la contemplation, à l’impulsion. Avant même l’arrivée sur la croisette, pas de doute, le Festival de Cannes est ouvert. Dans nos têtes, les trois coups ont déjà retenti. Que le rideau se lève. Vite.

La rédaction