PORTRAIT KARIM AÏNOUZ – CINÉMA AU BRÉSIL

Le réalisateur brésilien Karim Aïnouz est de retour dans la sélection officielle du Festival de Cannes en 2023. Karim est né à Fortaleza, au nord-est du pays, région expressive dans la production cinématographique nationale des dernières années, notamment par rapport à la présence dans des festivals du monde entier.

Le cinéaste a été présent aux sélections de Cannes en 2002 avec Madame Satã dans Un certain regard ; en 2011 avec La Falaise argentée dans la Quinzaine des réalisateurs ; en 2019 avec La Vie invisible d’Eurídice Gusmão, film qui a emporté le prix Un certain regard cette année, et dans la sélection officielle de 2021 pour le documentaire Marin des montagnes. En outre, il est invité pour être au jury au Festival de Cannes de 2012 pour la Cinéfondation et pour Cannes Courts-métrages.

Après ses études en architecture au Brésil et, ensuite, au cinéma à New York, Karim Aïnouz initie ses expériences cinématographiques dans la scène américaine. Parallèlement, il s’est dédié aussi à d’autres arts visuels tels que la peinture, des installations et la photographie. Ce faisant, il a coréalisé le documentaire Cathedrals of Culture, de 2014, avec Wim Wenders, réalisateur également présent dans la sélection officielle du Festival de Cannes 2023. Le film réunit six courts-métrages autour des bâtiments emblématiques, dont le segment sur le Centre Pompidou réalisé par Karim.

Firebrand

En 2023, Karim Aïnouz présente le drame historique Firebrand à la sélection officielle du Festival de Cannes. Le long métrage britannique suit la vie de Catherine Parr, épouse du roi d’Angleterre et d’Irlande Henry VIII, vécu par Jude Law. La protagoniste sera jouée par l’actrice Alicia Vikander, la prochaine femme qui incarne la vision du réalisateur sur les affrontations sociales et politiques des femmes au cours de l’histoire.

Un thème recourant

« C’est clair qu’il est un sujet (les femmes) qui revient tout le temps dans les histoires que je raconte. »

Karim Aïnouz dans une interview de 2019 à Des mots de minuit.

En 2019, le mélodrame contemporain La Vie invisible d’Eurídice Gusmão suit la relation de deux sœurs qui se sont séparées et qui ne se sont jamais retrouvées. Ainsi, le film s’interroge sur le rôle des comportements machistes de la société brésilienne dans les années 1950 dans l’interruption de ce lien et met en évidence les conséquences de cette rupture. L’œuvre s’inspire du romain Les mille talents d’Eurídice Gusmão, cependant, le réalisateur déclare s’inspirer du vécu des femmes de la génération de sa mère en cherchant à raconter son histoire à partir d’un portrait des conditions sociales des femmes à l’époque. Pour le faire, il a interviewé des consoeurs générationnelles des personnages au quartier de Tijuca, à Rio de Janeiro, où l’histoire prend place. 

Karim Aïnouz justifie l’accent recourant sur les femmes dans ses films par l’absence des références familiales masculines pendant son enfance et son adolescence. Entouré des femmes, Karim est né au Brésil où il a grandi avec sa mère brésilienne sans connaître le pays d’origine de son père, l’Algérie. En 2019, à l’âge de 53 ans, il s’y rend pour la première fois à la recherche de se connecter avec ses origines. Le voyage et d’autres connections sont documentés dans le film Marin des montagnes. Malgré l’intérêt d’établir un lien avec la culture de son père, Karim construit une narration qui raconte ses découvertes à sa mère. Dans Firebrand, le réalisateur revisite l’expérience historique de la perspective féminine, cette fois-ci, à partir d’une production britannique qui s’encadre au XVI siècle. 

Le cinéma au Brésil en 2023

Le caractère politique du Festival de Cannes permet souvent de protester contre des sujets variés qui concernent la diversité des pays présents. Pour le Brésil, cela n’est pas différent. En 2016, le réalisateur Kleber Mendonça Filho présente son film Aquarius en sélection officielle. Suite à la projection, l’équipe a organisé une manifestation contre l’impeachment de Dilma Rousseff en utilisant le terme « coup d’État ». En 2018, suite à la projection du documentaire Le Chant de la forêt de Renée Nader Messora et Joao Salaviza dans la sélection Un certain regard, l’équipe dénonce le « génocide indigène » au Brésil. 

Un an plus tard, au Festival de Cannes 2019, le pays a une participation record avec sept productions et coproductions dans des catégories diverses. Malgré la joie provenant de cette représentation, les déclarations des réalisateurs dont Karim Aïnouz, avec La Vie invisible d’Eurídice Gusmão, et Kleber Mendonça Filho, avec le film Bacurau qui a emporté le Prix du Jury, n’étaient pas autant optimistes. Les interviews des cinéastes brésiliens ont été marquées par la révolte contre la gestion de culture de Bolsonaro, président récemment investi au Brésil à l’époque.

 

« Il est spectaculaire que le Brésil ait des films à Cannes dans un moment où on veut détruire la culture de notre pays. »

Déclaration en traduction libre du portugais de Kleber Mendonça Filho. Interview concédée à Gshow en 2019 sur la décision judiciaire qui a déterminé la dévolution de 2,2 millions de réaux (vers 398 mille euros) au gouvernement fédéral pour son film Les bruits du voisinage.

 

Ensuite, en 2021, après la projection de Marin des Montagnes, des manifestations contre Bolsonaro reviennent à la Croisette. Karim Aïnouz fait appel aux morts atteints de Covid-19 pendant la gestion sanitaire dite négligente du gouvernement. 

Pendant le second semestre de 2022, l’ex-président Bolsonaro propose pour le plan budgétaire de 2023 l’extinction de la condecine, une contribution payée par les membres du secteur audiovisuel national au Brésil qui compose le fonds d’investissement du métier. Cette contribution est cruciale pour l’exercice de l’Ancine, agence nationale du cinéma, qui est responsable pour réglementer le secteur. L’agence administre le fonds sectoriel de l’audiovisuel, formule des politiques publiques pour le développement du domaine, conduit la fiscalisation et est responsable pour le dialogue international et des accords bilatéraux avec le secteur dans d’autres pays. 

Pourtant, en novembre 2022, suite aux demandes du groupe technique de la transition de gouvernement, la commission chargée du plan budgétaire inclut un amendement parlementaire avec la réintégration de la condecine au budget. La CMO (commission mixte budgétaire) a approuvé 1,2 milliard de réaux (vers 217 millions d’euros) pour la contribution audiovisuelle en 2023. 

Selon les données disponibles sur les sites gouvernementaux au pays, l’industrie audiovisuelle au Brésil emploie autour de 335 mille professionnels avec une recette approximative de 25 milliards de réaux (vers 4,5 milliards d’euros) par an. Parmi les films brésiliens projetés entre 1995 et 2016, 70% ont bénéficié d’un incentive public.

Portraits Fantômes et la tradition des cinémas au Brésil

Vétéran au Festival de Cannes, le cinéaste Kleber Mendonça Filho retourne en 2023 avec le documentaire Portraits Fantômes en séance spéciale. Il a été présent au festival en 2005 avec le court-métrage Vinil Verde dans la Quinzaine, Aquarius en 2016 et Bacurau en 2019, film coréalisé avec Juliano Dornelles. Au-delà des productions en projection, il préside le jury de la Semaine de la critique en 2017 et compose le jury du festival en 2021. Kleber est né à Recife, au nord-est du Brésil, où son nouveau film prend place. Portrait Fantômes, le cinquième long-métrage du réalisateur, explore le centre-ville de Recife entre passé et présent, en mettant en évidence des cinémas traditionnels du quartier : Cinema Veneza et Cinema São Luiz.

Crowrã – La fleur de buriti

Le duo de cinéastes Renée Nadar Messora, Brésilienne, et Joao Salaviza, Portugais, reviennent sur l’Amazonie dans ce nouveau long-métrage présenté au 76e Festival de Cannes en 2023. La production luso-brésilienne accompagne l’histoire des Krahô, peuple originaire localisé dans l’état de Tocantins, au nord du Brésil. Crowrã sera projeté dans la catégorie Un certain regard. Le Chant de la forêt, dernier film des réalisateurs au Festival de Cannes en 2018, est également centré sur un personnage du peuple Krahô et remporte le Prix du jury.