Carmen y Lola: un amour tabou tout doux !

 

Un premier long métrage pour l’espagnole Arantxa Echevarria, et quelle claque pleine de douceur ! Carmen y Lola, c’est l’histoire de deux gitanes découvrant leur amour interdit, car homosexuel. La réalisatrice voulait, avec ce film, donner une voix à des femmes doublement effacées – d’une part car elles sont femmes et de l’autre car elles sont lesbiennes.

Le film est présenté à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes et candidate pour la Caméra d’Or (qui récompense les jeunes artistes et leur premier film). Nous l’avons vu ce mercredi 16, en présence de l’équipe. D’ailleurs, les acteurs ne sont pas des professionnels, ils ont été sélectionnés au sein de la communauté gitane, par souci de réalisme.

Carmen, 17 ans, est destinée à poursuivre le chemin de toutes les femmes gitanes : se marier avec un gitan, avoir beaucoup d’enfants et s’occuper de sa famille. Cette vie, elle ne la questionne pas vraiment. Elle a déjà à l’œil un garçon avec lequel elle veut se fiancer. Lola par contre, veut s’évader de cette communauté restrictive : elle veut étudier et devenir prof, elle adore faire des graffitis d’oiseaux et sait déjà qu’elle aime les filles du haut de ses « presque 17 ans ».

Lola est tout de suite intéressée par Carmen, une beauté fatale et osée. Mais Carmen hésite plus longuement. Les raisons ? La pression familiale, la communauté, le patriarcat, la religion, etc., toutes ces contraintes auxquelles les femmes gitanes doivent se soumettre. Mais la révolution est proche : la nouvelle génération est plus libre et émancipatrice, veut suivre ses sentiments et pas les traditions.

Carmen y Lola est doux, vrai, touchant. C’est un cri venu tout droit des années de silence. Les scènes entre les deux filles respirent fraîcheur et tendresse. Cet amour nouveau et inconnu est traduit dans des scènes poétiques, la scène de la piscine vide ou la scène finale (no spoil) par exemple.

Quelques points sont malheureusement à revoir. Le scénario est sans surprise et sans rebondissements. Certaines scènes auraient pu être plus courtes, surtout celles où la mère de Lola découvre l’homosexualité de sa fille, ainsi que toute la séquence qui suit, très inconfortable. Il n’y a pas vraiment de complicité entre les deux actrices. On voit de l’amitié, certes, mais leurs amourettes sont parfois peu convaincantes (même si on pourrait argumenter que c’est une première fois pour toutes les deux …). Il en est de même pour Carmen, qui « cède » aux avances de Lola : d’abord homophobe (et l’argument de refoulement ne tient pas vraiment la route) puis complètement amoureuse.

Rafiki, film kenyan censuré dans son propre pays, de la cinéaste Wanuri Kahiu est un autre film qui célèbre l’amour lesbien présenté à Cannes.

Lors de la projection, Arantxa Echevarria a dit qu’être une femme lesbienne dans la communauté gitane est synonyme de non-existence et que, grâce au Festival, elles sont vues, entendues et comprises. Ce premier long-métrage n’est pas un sans faute mais sait saisir le spectateur et lui montrer une réalité qui lui est inconnue. Il a par ailleurs suscité des standing ovations de la plus grande partie de la salle. Nous aussi, on applaudit.