70e amorce cannoise !

     Les cloches de la cathédrale moscovite Saint Basile s’apprêtent à résonner dans toute la capitale. A Florence, l’odeur suave des pizzas s’insinue dans les ruelles de la ville, en émulsion à l’approche du service du midi. Les minutes s’égrainent lentement sur l’horloge de l’hôtel de ville de Paris, les amateurs des Feux de l’amour allument leur poste. 10h57, 10h58, 10h59, 11h sonnent ! Aux quatre coins du monde, du réalisateur au technicien, la grande famille des acteurs du cinéma retient son souffle ! Nous sommes le jeudi 13 avril et la conférence de presse du festival de Cannes vient officiellement de commencer.

Pierre Lescure, président du festival, et Thierry Frémaux, délégué général, accueillent des journalistes du monde entier, avides de découvrir si les films de leur pays ont été sélectionnés ou non pour le festival. Les deux amoureux du septième art commencent par mentionner le contexte particulier dans lequel s’inscrit le festival, les élections présidentielles suspenses de la France et les esclandres de Donald Trump, dignes d’un mauvais drama. C’est l’occasion pour les deux sélectionneurs de donner le motto de cette 70ème édition du festival : “stable”, “festif”, “une respiration”, “une parenthèse”, ce qui n’est pas pour nous déplaire ! On se rend vite compte que la conférence de presse n’a pas pour unique but de dévoiler la sélection, c’est aussi un moment de réaffirmation des valeurs du festival et de mise au point sur l’état mondial du cinéma.

Sans se définir comme politique, le festival cannois ne cache pas le caractère engagé et piquant d’un grand nombre de films sélectionnés. Depardon traite dans le documentaire sans fard 12 jours de la période précédant l’internement dans les hospices, Eugène Jarecki s’attache à travers la figure d’Elvis Presley à dépeindre la progressive décadence de l’Amérique jusqu’à l’élection de Donald Trump dans Promised Land, Claude Lanzmann aborde la désastreuse utilisation du napalm en Corée du Nord.

Loin de la liste rébarbative ou du cours théorique sur l’histoire du cinéma, la conférence de presse d’une heure trente passe à toute allure et s’avère absorbante. Thierry Frémaux révèle les rouages de cette distillerie fumante du cinéma : les semaines passées à visionner les 1930 longs métrages et 5000 courts-métrages, à négocier pour parvenir à cette étroite sélection. Comme un père attentif à la croissance de sa progéniture, il observe l’évolution du festival et en tire une certaine fierté : plus de films présentés cette année, davantage de pays représentés. Le cinéphile mentionne les nouvelles technologies qui transforment le milieu du cinéma et le festival, véritable « laboratoire », qui accueillera en mai un film en réalité virtuelle d’Alejandro González Iñárritu intitulé Carne y Arena (réalisateur de Birdman, Babel et The Revenant). Son enthousiasme est communicatif et on se projette déjà, immergé dans l’expérience, le casque sur les yeux.

Le festival se veut le passeur entre les différents temps du cinéma, il navigue entre introspection du présent, ouverture sur le futur et mémoire du passé. Un hommage sera rendu à Vajda et au défunt réalisateur de 24 frames Abbas Kiarostami. Les amis de longue date du festival comme David Lynch seront évidemment de la partie ! Parmi les grands habitués du festival en compétition : le subversif François Ozon avec un nouveau film qui s’annonce sulfureux L’amant double, le grand maître du cinéma japonais Hong Sang-soo avec le drame The day after, le créateur du remarqué Léviathan Andrey Zvyagintsev avec Loveless, le double palmé d’or Michael Haneke avec Happy End et la virtuose Sofia Coppola avec le thriller Les proies.

Thierry Frémaux nous raconte les synopsis, attise notre curiosité, tatillonne nos synapses et nos sens en quête de victuailles intellectuelles et d’expériences esthétiques. Quelles seront les réactions lors des projections dans les salles échauffées ? Serons nous subjugués, transportés par cette machine effervescente du cinéma ? Nous sommes un groupe de 21 étudiants cinéphiles de Paris 8 sélectionnés pour un voyage d’étude à Cannes du 24 au 29 mai. Pendant cette période nous vivrons au rythme effréné des projections et conférences de presse et nous tenterons de donner une vision du festival différente de celle véhiculée à la TV. Si vous êtes mordu de cinéma, ou tout simplement curieux du festival et des films qui paraîtront en salle en 2017, suivez-nous sur notre blog Clap 8 et notre page Fb !

Ecrit par Marie Tomaszewski avec la création visuelle de Laura Poirier.