Cannes 2017 : Des femmes à l’honneur certes, mais l’honneur sera-t-il donné aux femmes ?

« Des femmes ! Des femmes ! Des femmes ! ».

Mémorable discours de Houda Benyamina, réalisatrice de Divines, primée de la Caméra d’Or lors de l’édition 2016 du Festival de Cannes. Cette revendication, hurlée dans le micro, trophée brandi, aurait-elle été entendue ?

Depuis la création du Festival, il est impossible de passer à côté de la faible représentation féminine en Compétition Officielle : on dénombre 70 réalisatrices contre 1599 réalisateurs sélectionnés autrement dit 4,2%. Les plus entêtés expliqueront qu’il y a moins de réalisatrices que de réalisateurs, ce qui explique tout simplement cet infime pourcentage. Certes, mais les femmes représentent tout de même 25% de ce métier dans le monde !

Concernant les réalisatrices primées, les chiffres parlent également d’eux-mêmes : uniquement 12 femmes ont été récompensées depuis 1949… Parmi elles, une seule a reçu ce prix tant convoité qu’est la Palme d’Or : la réalisatrice Jane Campion en 1993 pour son film La leçon de piano… Mais une ombre vient ternir cette réussite : la réalisatrice a dû partager son prix, reçu ex aequo avec le réalisateur chinois Chen Kaige pour Adieu ma concubine.

C’est dit. Mais pas d’inquiétude, on ne va pas vous assommer de chiffres.

Objectivement, la Compétition Officielle reste un monopole pour les réalisateurs confirmés (de surcroît souvent blancs et âgés d’au moins une cinquantaine d’années, mais restons concentrés sur notre sujet…). Cependant, au fil des années, les réalisatrices parviennent à se faire une place notamment dans les compétitions parallèles. On peut citer La Semaine de la Critique, véritable “tête chercheuse” du festival qui donne la part belle aux jeunes réalisateurs et réalisatrices, mais aussi la Quinzaine des Réalisateurs qui se dote rapidement de la devise « les films naissent libres et égaux entre eux : il faut les aider à le rester[1] ». Enfin il faut rappeler que la liberté d’action de cette sélection participe à une meilleure représentation des femmes.

Pour cette 70ème édition, il faut souligner les 12 réalisatrices sélectionnées sur les 49 films retenus, toutes compétitions confondues, mais insistons tout de même sur le fait que seulement trois d’entres elles sont en compétition pour remporter la mythique Palme d’Or, sur les 18 longs métrages sélectionnés. Pierre Lescure (Président du Festival) et Thierry Frémaux (Délégué général) n’ont pas manqué, lors de la conférence de presse, de mettre l’accent sur cette progression : « C’était 9 l’an dernier, 6 il y a 2 ans ».

Mouais… il n’y a pas de quoi être très fier et si le nombre de femmes représentées n’augmente que de 3 personnalités par an, on a encore du boulot pour atteindre cette parité tant attendue … Mais restons optimistes ! En attendant le début du festival, voici un petit focus des trois réalisatrices qui présentent leur film en Compétition Officielle :

Sofia Coppola avec Les Proies

Après Virgin Suicide sorti en 2000, Sofia Coppola nous propose de replonger dans l’univers de l’adolescence sur fond d’une Amérique puritaine. L’intrigue se déroule, en 1984, au sein d’un pensionnat de jeunes filles, en pleine guerre de Sécession. L’affiche nous propose un trio séduisant: Nicole Kidman, Kirsten Dunst et Colin Farrell pour le sixième long métrage de la réalisatrice. Sélectionnée en 1999 à la Quinzaine des Réalisateurs pour Virgin Suicides, c’est cette année la deuxième fois que la réalisatrice concourt en Compétition Officielle après la sélection de Marie-Antoinette en 2006.

 

Naomi Kawase avec Hikari

 Vers la lumière (en français) est un drame romantique qui met en scène la rencontre entre une audio descriptrice de film et un célèbre photographe dont la vue se détériore irrémédiablement. L’occasion de retrouver l’actrice Masatoshi Nagase, que la réalisatrice avait dirigée dans « Les délices de Tokyo ». Naomi Kawase est une des rares réalisatrices habituées de la Croisette : la cinéaste japonaise entame sa 5ème course pour décrocher la Palme d’Or ! Elle est également une des rares à avoir été primée plusieurs fois : elle a reçu la Caméra d’Or en 1997 pour Suzaku et le Grand Prix en 2007 pour son film La Forêt de Mogari.

 

Lynne Ramsay avec You Were Never Really Here

 Avec Joaquin Phoenix, la britannique nous propose un long métrage adapté d’un roman de Jonathan Ames. Un vétéran de guerre tente de sauver une jeune fille prise au piège d’un réseau de prostitution… Symbole d’un cinéma anglais ambitieux, Lynne Ramsay connaît bien la Croisette. Son premier film Ratcatcher était à Un Certain Regard en 1999, elle obtient les prix C.I.C.A.E et le Prix de la Jeunesse pour Morvern Callar lors de la Quinzaine des Réalisateurs en 2002 et cette année, elle est pour la deuxième fois en Compétition Officielle, après We Need to Talk about Kevin présenté en 2011.

Nous avons, comme vous pouvez vous en douter, hâte de découvrir ces films et nous ne manquerons pas de vous faire partager nos impressions, déceptions ou coups de cœur tout au long de cette quinzaine Cannoise !

 

Ecrit par Pauline Dutheil et Pauline Vallet

[1] Citation de Pierre Kast, cité par Pierre-Henri Deleau (préface de Jeanne Moreau), « Les Réalisateurs de la Quinzaine (20ème anniversaire) » 1989 : 14 dans « Le Festival de Cannes sur la scène internationale », Loredana Latil 2005 : 245