L’amour sans le faire

 

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Avez-vous déjà vu un film de Djinn Carrénard ? Très remarqué il y a trois ans avec Donoma, présenté par tous comme « le film le moins cher du cinéma », le réalisateur franco-haïtien est sélectionné à la Semaine de la Critique, avec FLA – Faire l’amour, un triangle amoureux convulsif filmé avec un appareil photo numérique et une caméra gopro. Et si le cinéma des marges réinventait le cinéma ? Pas sûr…

Faire l’amour pendant 2h45, tout un programme. N’allez pourtant pas chercher de kamasutra dans le film de Djinn Carrénard : l’amour se dit, se crie, se fait et se défait, mais le montrer n’est pas l’affaire du réalisateur. Laure, jeune femme à fleur de peau (jouée par une Laurette Lalande qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Valérie Donzelli), rencontre Oussmane, un coup d’un soir qui, ivre de vie, de rage et d’alcool, lui fait un enfant. Rappeur très fier de se dire « artiste » sans avoir jamais écrit que quelques vers de mirliton sur son téléphone portable, ce looser professionnel cache évidemment un secret qui expliquera en grande partie les déchirements nombreux qui émailleront le film.

Mais ce qui intéresse Carrénard, on le sent, c’est la forme. Fidèle à son concept de « cinéma guérilla », qui ressemble assez furieusement au Dogme danois d’il y a vingt ans, qui lui-même ressemblait à son aînée la Nouvelle vague, le réalisateur est vraiment dans la posture et se regarde filmer, avec des tics visuels extrêmement agaçants à la longue : les effets de surcadrage permanents, le bougé de caméra à en donner le tournis, les effets de point quasi constants. On sent bien qu’il faut épater le bourgeois et « faire convulsif ». La forme se justifierait si ce que Carrénard a à dire suivait. Mais le propos est assez ténu tant il est noyé dans un flot permanent de paroles et de violence verbale. Tout le monde gueule sur tout le monde dans Faire l’amour (quel paradoxe !) ce qui, à l’échelle de 2h45, devient vite aussi fatigant qu’un numéro « spécial couple » de Confessions intimes. Il y a évidemment quelques instants suspendus, gracieux, souvent dans les moments où les moulins à parole s’arrêtent pour laisser passer le vent vrai des sentiments. Le langage image suffit alors souvent à dire l’essentiel. Un essentiel hélas difficilement perceptible dans l’océan du trop. Jocelyn Maixent

En attendant la bande-annonce de FLA – Faire l’amour, voici un extrait de la séquence « La mer »