Après avoir vu plusieurs films de la sélection officielle du Festival de Cannes en 2014, on ressent que le happy end ne fait pas partie du répertoire des réalisateurs cette année. Les personnages centraux de la plupart des films sont encore plus désespérés à la fin du film qu’au début, des fois en prison, en hôpital proches de la mort ou déjà décédés. Le spectateur est dans un état de paralysie, paralysie causée par la déception que les héros du film ont été détruit ou se sont détruit eux même.
En même temps, ce n’est pas facile de terminer un film sur un happy end sans que l’audience ne reproche le manque de réalisme. La réalité n’a pas de happy end, et si elle en a un, ce n’est que temporaire. Par exemple dans le film du réalisateur Kornél Mundruczó Fehér Isten (White God) lauréat de la catégorie Un certain regard, la foule de chiens qui agressent les hommes se calme parce que la petite fille Lili joue une mélodie sur la trompette. Ce qui paraît être un happy end ne l’est pourtant pas vraiment, parce qu’on sait que tous ces chiens vont être tués. Cependant, sous cet air de faux happy end, cette fin fait du bien. Elle fait du bien, parce que le principe du happy end nous récompense pour la peur qu’on a eu, pour les larmes qu’on a pleuré, pour le stress qu’on a subi.
Echapper à cette paralysie du film sans happy end était spécialement dur pour le film Léviathan, réalisé par Andreï Zviatguintsev, qui raconte l’histoire de Kolia (Alexeï Serebriakov), sa deuxième femme Liliya et son fils Roma au bord de la mer dans le nord de la Russie. Lorsque le maire de la ville veut s’approprier son terrain, il se lance dans un procès juridique contre cet homme puissant. Même avec l’aide de son ami Dmitri (Vladimir Vdovitchenkov), avocat à Moscou, Kolia n’arrive pas à tourner la situation en sa faveur. De plus il découvre que sa femme Liliya a eu une liaison avec Dmitri. Deux jours plus tard, Liliya est retrouvée morte à la plage, assassinée. Sa mort est mise sur le dos de Kolia qui est condamné à 15 ans de prison. Une fois de plus la corruption et l’argent l’emportent sur la justice. Le happy end nous semble une fois de plus loin de la réalité.
Sans être plat ou trop simpliste Léviathan renvoie à une problématique qui n’est pas nouvelle pour la Russie mais reste encore actuelle : la corruption et l’alcool. En effet, le maire triomphe grâce aux fonctionnaires corrompus sous ses ordres et la consommation de Vodka augmente en parallèle avec la destruction de la vie de Kolia. C’est pourquoi, malgré le jeu convaincant des acteurs, la mise en scène réussie et la beauté frappante du paysage du film, Léviathan me semble pour l’instant comme le film le plus frustrant de tous les films sans happy end présentés à Cannes. Il ne s’agit pas d’une comédie qui se termine mal, comme Incompresa de réalisatrice Aria Argento mais de la preuve que la vie en Russie est loin d’être destinée aux fins heureuses et que, tel Kolia, le fait de se battre contre cette injustice ne changera rien.
Klara Fröhlich