Une expérience immersive déconseillée aux âmes sensibles

Une expérience immersive déconseillée aux âmes sensibles

 

Avant de condamner le film “Mektoub, My Love: Intermezzo”, qui a suscité énormément de polémique lors son avant-première au Festival de Cannes, il faudrait prendre en compte que le film que nous avons eu l’occasion de voir n’est pas un film complétement fini. En ce moment, ce film se trouve encore devant un travail technique de postproduction. Comme l’avait dit Louise Wessbecher dans son article pour Huffingtonpost, le film tel qu’il nous est montré au Festival de Cannes, n’est sûrement pas celui que nous allons voir lors de sa sortie en salles.

Si le film était censé durer 4h selon le programme officiel du Festival, la durée de la séance fut de 3h30. Ces rumeurs forgeaient constamment la stature du film durant les interminables queues du festival. Certains craignaient déjà de voir le résultat final, connaissant le style propre à Kechiche.

Finalement, nous avons vu une version sans génériques, sans sound design définitif, dont le montage était en train de changer quelques heures avant la séance. Je me sens quand-même privilégiée d’avoir l’opportunité de le voir dans cet état. C’est comme quand votre ami réalisateur vous montre le dernier montage de son nouveau film, afin d’en discuter avec lui, espérant en tirer un regard extérieur pour mieux comprendre son film.

Si jamais monsieur Kechiche me demandait mon opinion, je lui dirais : 

Cher ami Abdellatif, c’est très bon, mais ça va être encore mieux. Tu es très courageux et merci de l’être. Cependant, sois attentif de ne pas te perdre sur ton chemin.

Soyons clairs, je ne crois pas que c’est à moi de donner des conseils à monsieur Kechiche, mais imaginons qu’il me l’avait demandé, qu’aurai-je pu lui dire ? Ce n’est qu’un jeu.

J’aurais ajouté que je trouve que les derniers 40 minutes sont un peu longues et exhaustives, même si je vois bien que c’est également le but. Il faut tout de même avoir un certain respect envers nos spectateurs, qui nous font confiance, toujours prêts à regarder des heures et des heures de notre matériel.

Je vous le jure, le scénario de ce film était écrit sur une demie page de la manière suivante :

Introduction

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Scène de sexe non simulé

Fête fête fête fête fête fête fête fête fête fête fête fête fête fête fête fête fête fête

Conclusion

Il me reste à préciser que l’introduction nous donne une idée sur les relations entre les protagonistes et nous rappelle le choix de titre du film, étant donné qu’il s’agit d’une suite du film “Mektoub, My Love: Canto Uno”. Quant à la conclusion, elle ne dévoile pas grande chose, mais fait créer un important contrast visuel avec tout ce que nous avons regardé en répétition pendant les trois heures précédentes. Elle offre une solution, que nous aurions espéré voir tout au long du film. Le réalisateur décide d’offrir un dernier cadeau aux spectateurs. Au moins à ceux qui sont restés fidèle à lui et qui sont restés dans la salle jusqu’à la fin. Ce cadeau mérité vient comme une révélation, presque cathartique qui rassure le spectateur dans les intentions du réalisateur.

Ce film est une oeuvre d’art grâce aux contrastes, malgré tout complémentaires, entre son introduction, le sujet principal et sa conclusion. Une œuvre d’art qui nous introduit dans son histoire de manière plus immersive qu’un casque de réalité virtuelle. Le spectateur est plongé dans une expérience crue, expressive et carnale. Il ne lui reste qu’à décider ce qu’il va en faire. Si quelqu’un est sorti de la salle avant la fin du film, c’est qu’il s’est laissé submerger par ses émotions en réaction aux différentes scènes. Et cela n’est pas toujours si agréable –  de voir la vie réelle telle quelle, à l’écran. Cependant, ce film est une vraie célébration de l’humanité, du corps et de la liberté, ou pour évoquer les mots de monsieur Kechiche lors la conférence de presse à Cannes : Un hommage à la peinture cubiste.

En dernier, je devrais lui demander :

Comment regarde-t-on des rush d’un tel film ? Comment monte-t-on ce film ? Comment sait-on qu’il est fini ? Mon imagination et mes connaissances technique ne sont pas assez riches pour pouvoir imaginer sa réponse. Il ne me reste que d’espérer que monsieur Kechiche en parlera encore.

L’équipe du film sur le tapis rouge au Festival de Cannes