120 battements par minute : La véritable révélation de ce Festival de Cannes

Si “The Square” a remporté la Palme d’Or, il y a un autre film qui a marqué les esprits dans cette sélection officielle terne et sans saveur : “120 battements par minute” de Robin Campillo, qui s’est vu décerné le Grand Prix du Jury ainsi que la Queer Palm. Puissant et éloquent, 120 BPM raconte l’histoire de Nathan qui s’engage au sein de l’association Act Up Paris, créé dix ans après le groupe américain et connu pour ses actions coup de poing afin d’éveiller les consciences sur l’épidémie du sida au début des années 90. Il y rencontrera des gens différents et émouvants et parmi eux, Sean, un jeune séropositif qui va bouleverser sa vie.

Une réalisation maîtrisée et un casting impeccable

Robin Campillo nous livre un petit bijou cinématographique qui joue tant sur la rythmique de la musique que sur les pulsations du cœur. La caméra suit cette jeune génération broyée par l’épidémie du sida, vivant dans la peur et criant à l’aide. À une époque où l’homophobie fait rage et où l’indifférence générale est absolue face à cette maladie, c’est la fureur de vivre de ces jeunes militants qui ressort plus lumineuse que jamais dans une atmosphère pourtant si sombre et mortifère.

Le réalisateur réussit à nous impliquer dans leur combat et à nous atteindre en plein cœur sans tomber dans le pathos et les clichés larmoyants. Nos émotions les plus profondes et les plus primaires ressortent naturellement grâce à des plans maîtrisés et des moments de vérité saisissants : des scènes de sexe aux débats houleux en passant par les opérations militantes à coup de jets de faux sang et les explications médicales résolument pédagogiques. Le film, qui dure pourtant 2h20, passe à une vitesse folle avec des transitions éclatantes jouant sur le flou et la lumière électrique, à l’image des vies de nos protagonistes : un avenir incertain mais une énergie débordante.

Le seul nom connu au casting est celui d’Adèle Haenel, qui tient ici un rôle secondaire juste, soutenant parfaitement l’intrigue – l’actrice laissant volontiers la place aux autres comédiens de briller. Les deux acteurs principaux, Nahuel Perez Biscayart et Arnaud Valois, quant à eux, crèvent l’écran avec leurs personnalités si différentes mais si complémentaires. Bien sûr, l’association ainsi portée à l’écran met en lumière d’autres membres intéressants qui font d’Act Up Paris une famille unie dans la lutte contre la maladie, accueillant et s’occupant des minorités touchées par le sida à l’époque : les gays, les lesbiennes, les trans, les prostitués, les toxicos mais aussi les détenus.

 

La vérité humaine de plein fouet 

Évidemment, toute famille connaît ses moments de ruptures et celle d’Act Up Paris n’y échappe pas, se déchirant sur certains sujets houleux. Robin Campillo était lui-même un membre d’Act Up et a révélé en conférence de presse qu’il avait lui aussi habillé le cadavre d’un ami mort du sida. Le réalisateur projetait depuis un moment de faire ce film et on ne peut que le remercier de l’avoir enfin mis en boîte. “120 battements par minute” est une œuvre résolument organique qui nous met une énorme claque en pleine figure.

Pourquoi le titre “120 battement par minute” ? Parce que c’est un film qui nous transporte, qui nous transperce et accélère notre rythme cardiaque en nous bouleversant par un témoignage criant de vérité sur notre société passée et actuelle. Parce qu’on est touchés en plein cœur par le rythme effréné de ces militants d’Act Up vivant à 100 à l’heure, malgré la maladie, pour faire entendre leur cause et sensibiliser la population sur le sida. Parce que cela correspond au nombre de beats par minute de la musique house des années 80-90 qui a bercé toute une génération de fêtards et la communauté homosexuelle vivant comme des oiseaux de nuit – « Smalltown Boy » de Bronski Beat résonnant comme un hymne à la vie dans le film.

Alors pourquoi le jury du Festival de Cannes n’a pas donné la Palme d’or à ce film qui détonne dans cette sélection plutôt morose ? C’est une bonne question surtout quand on apprend dernièrement que Pedro Almodovar voulait lui décerner la précieuse récompense. Il a été très touché par “120 battements par minute” et a insisté sur l’importance de ce film : “Campillo raconte l’histoire de vrais héros qui sauvent de nombreuses vies”. Visiblement, le président du jury n’a pas su convaincre les autres membres. Et c’est bien dommage. Un tel film est nécessaire et fait terriblement écho au contexte politique actuel : de l’acharnement de la Manif pour Tous en France à la mise à mort des homosexuels en Tchétchénie, le chemin vers la tolérance et l’égalité est encore malheureusement parsemé d’embûches.

“120 battements par minute” sort au cinéma le 23 août 2017. Courez-y.

 

Écrit par Mégane Choquet