Haut et Fort : le rap à l’honneur

Jeudi 15 juillet nous avons eu l’honneur d’assister au sein du Grand Théâtre Lumière, à la première du film Casablanca Beats, en français Haut et Fort. Réalisé par Nabil Ayouch, le film nous plonge pendant plus d’une heure et demie au cœur de la jeunesse marocaine, nous dévoilant ainsi les aspirations, les souhaits, les envies et les rêves de jeunes prêts à s’affranchir des codes et traditions qui s’imposent à eux, au travers du hip-hop. Dans cette quête identitaire et cette découverte du monde qui les entoure, ils sont accompagnés d‘Anas, rappeur déchu, embauché en tant que professeur au sein du centre culturel du quartier populaire de Casablanca : Sidi Mounem.

Entre musique et émotion, le réalisateur nous dévoile au travers de cette bande d’adolescents, une volonté de dénoncer et de changer la société actuelle. Tous les sujets de société sont abordés, de la religion à la politique en passant par les problèmes personnels et familiaux de chacun. Les jeunes adolescents assistent au cours d’Anas, autant pour l’amour du hip-hop que pour la liberté d’expression que leur offre l’ancien rappeur. Le professeur à la fois dur et attachant, souhaite transmettre à ses étudiants, l’amour du hip-hop et l’engagement qui lui est lié. Si l’apprentissage du rap rythme le film, on y retrouve également une volonté de se battre, de prendre conscience des conditions de vies du pays et des normes imposées par une société conservatrice. C’est un véritable cours d’expression et de libération que leur offre le nouveau professeur.

Malgré les restrictions imposées par les parents de certains élèves ou les recommandations de l’établissement, Anas mettra tout en œuvre pour donner confiance à ses étudiants et les faire progresser et performer lors d’un concert au sein du centre culturel.

Ce n’est pas la première fois, qu’un éducateur devient le mentor d’un groupe d’adolescents en quête de sens, dans un film. Dans ce scénario, c’est à travers une jeunesse marocaine rarement mise en avant qu’on découvre des jeunes qui évoluent au sein d’un quartier populaire marqué par les attentats, mettant à mal sa réputation. Si ce scénario semble similaire à de nombreux films français qui dépeignent une jeunesse désabusée, lassée et en colère face à leurs conditions de vie, leurs droits et leur place au sein de la société,  on est ici face à une jeunesse marocaine aux problématiques similaires mais pourtant différentes, au vue du régime politique et des conditions de vies locales. Le réalisateur nous plonge au sein de problématiques politiques, sociétales et familiales bien connues, par le prisme « innocent » d’adolescents en quête d’une identité.

Le rap devient alors la clé de cette liberté. La musique a été très présente cette année au sein de la sélection de la 74ème édition du Festival de Cannes, on peut notamment penser au film d’ouverte Annette ou encore à Tralala. La musique de Haut est fort, fait partie intégrante du jeu d’acteur, les textes et les instrumentales rythmes les dialoguent sans pour autant prendre le pas sur le message révolutionnaire et engagé du film. Les textes rappés, très simples mais efficaces nous permettent une compréhension totale des problèmes qui tourmentent les adolescents. La progression dans le rap de chacun est également un fil conducteur du film et nous donne à voir un professeur qui fait progresser ses élèves au sens pratique et théorique.

Le rap est aujourd’hui la musique la plus écoutée dans le monde.  En 2019, selon les classements de la SNEP sur le TOP 10 des albums en France, 6 sont issus du style musical Rap. Cette musique est connue pour être fortement contestatrice et dénonciatrice dans son histoire. Anas ancien rappeur tente à travers le rap, musique engagée depuis sa création, de rassembler ses étudiants autour de cette même énergie qui a construit le rap. Pour une étudiante d’Anas, Casablanca serait une allégorie de New York et Sidi Mounem l’égale du Bronx, ville ou est née le rap.

 

Nabyl Ayouch a su manier à la perfection émotion et  engagement. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le réalisateur met à l’honneur le Maroc dans ses films et notamment la ville de Casablanca. C’était déjà le cas pour ces films Much Loved (2015) et Chevaux de Dieu (2012). L’auteur a su ici allier dénonciation, émotion et humour. Anas qui occuperaient normalement la figure du rôle principal s’efface totalement pour laisser place à un personnage principal pluriel : les enfants. Si l’histoire du professeur n’est jamais explicitée et se devine au travers du film, les enfants eux sont « le » véritable personnage principal du film.