Asteroid City et l’élan humain de continuer par Wes Anderson

Une ville fictive au désert états-unien en 1955, une pièce de théâtre, une longue liste de stars de cinéma, des événements cosmiques mystérieux, une mise en scène méticuleusement calculée, le deuil et la motivation pour continuer… Tous orbitent autour d’un cratère métaphorique dans le film Asteroid City de Wes Anderson.

Le réalisateur de Moonrise Kingdom et The French Dispatch retourne à la compétition officielle avec Asteroid City au 67e Festival de Cannes. Wes Anderson, réalisateur américain très célébré dans le cinéma indépendant, fait monter les attentes du public et des professionnels présents au Festival. En plus, le long métrage dispose d’une impressionnante liste exhaustive d’acteurs consacrés tels que Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tom Hanks, Jeffrey Wright, Tilda Swinton, Bryan Cranston, Edward Norton, Adrien Brody, Steve Carell, Willem Dafoe, Margot Robbie, Tony Revolori et Jeff Goldblum. Bien qu’on y trouve le style célèbre du cinéaste et un casting remarquable, le film présenté en 2023 a divisé les critiques initiales sur l’intérêt et la structure rigoureuse dans son histoire.  

Un récit atypique

Initialement, le spectateur est introduit à un dramaturge qui écrit une pièce de théâtre en trois actes : en 1955, dans la ville fictive du désert états-unien Asteroid City, si appelée par l’occurrence d’une chute d’une météorite sur place, des tests de bombes sont menés pendant qu’un concours lycéen pour les astronomes et cadets de l’espace prend place. Le moment historique est établi avec les sentiments de méfiance et de peur typiques de la guerre froide, de la course à l’espace et des questionnements divers sur l’inconnu. Dans ce contexte, les spectateurs suivent les personnages qui seront confrontés à un événement cosmique insolite : un père veuf qui doit annoncer à ses enfants la mort de leur mère, une actrice hollywoodienne en décadence, entre autres visiteurs mobilisés par le concours des cadets. Leurs chagrins sont exposés à chaque acte ainsi qu’à chaque intermission, quand les acteurs d’Asteroid City, la pièce de théâtre, discutent de la construction de ses personnages. Au-delà de ces dimensions, un narrateur commente les deux niveaux narratifs du film. 

 

 

D’un côté, la qualité et l’originalité esthétiques de Wes Anderson s’accentuent dans la mise en scène et la photographie de ce nouveau film rempli de couleurs et cadres stupéfiants. De l’autre, même si l’esthétique intouchable est certes présente, son aspect calculé s’avère être fatigant à une partie du public. À l’avenant, l’histoire de caractère métalinguistique (thème récurrent dans la sélection de cette année) et existentialiste n’a fait plaisir qu’à une partie des spectateurs présents lors des séances cannoises. La complexité de la narration multi niveaux crée une rupture d’immersion à la fois ennuyante et éclairante. Il est vrai que les questionnements existentialistes ne sont pas d’une complète originalité ou que le format par lequel elles sont transmises n’est pas complètement confortable et organique à suivre. Or, retrouver des qualités inverses dans chaque élément de ce film est possible avec un regard moins chargé en attentes. Ce faisant, Asteroid City revisite des thèmes universaux et réserve sa créativité au format choisi.

Pour autant, le récit construit une conversation sur la misère émotionnelle humaine dans plusieurs dimensions d’approximation aux sujets. Des fois une ressource créative, des fois une interruption constante de quelque lien avec les personnages. Malgré l’artificialité intentionnelle de tous éléments en scène, il est possible d’y plonger et d’y trouver une vraisemblance, d’activer la suspension de l’incrédulité jusqu’à l’intermission obstinée qui nous oblige à faire face à l’artificialité de tout qui a été présenté. Cependant, la proposition de réévaluer ces questionnements face au chaos de la réalité humaine dans des perspectives différentes ne sert qu’à conclure qu’il n’y a pas vraiment de réponses à l’absurdité de la vie. Ainsi, l’expérience proposée met en question la raison pour laquelle nous continuons à mener nos vies devant le deuil, devant l’inconnu et devant l’incompréhension et offre comme réponse l’absence d’une réponse exacte, mais met en évidence l’impulsion de continuer à raconter nos histoires même sans connaître le vrai but de le faire. À partir de ce conflit, l’artiste dramaturge créé par l’artiste cinéaste trouve un sens émotionnel, si un sens logique n’est pas possible, dans cette poursuite utopique. Dans l’ensemble de ces éléments, Asteroid City est un film frustrant, mis à part la valeur de son intentionnalité en le faisant, et esthétiquement aussi beau qu’artificiel. Vouloir expérimenter la frustration et la beauté potentiellement ennuyeuse reste un choix réservé au public.