Dog blesse you

 

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Le premier grand choc de la sélection Un certain regard vient de Hongrie. Déjà en sélection officielle pour Delta en 2008, Kornel Mundruczo, qui s’était fait connaître en 2005 avec Johanna, une comédie musicale expressionniste, livre un film hallucinant de rigueur au service d’une fable fantastique où les chiens aboient.

Si Cannes est le plus grand festival de cinéma au monde, c’est parce qu’il a su garder dans ses sélections un certain goût de l’audace. Et l’audace, Feher Isten (White god) n’en manque pas. Quand le festivalier tout fraîchement débarqué de son TGV commence son marathon cannois par un OVNI pareil, il peut avoir confiance dans la capacité du cinéma à se réinventer.

Lili a 13 ans et un bon gros chien-chien. On pourrait presque croire à un teen movie coupé de Lassie chien fidèle. Fausse piste. Car c’est un conte visionnaire très ambitieux que déploie Kornel Mundruczo en réussissant à faire d’un chien, Hagen, un personnage pivot du récit. Dans ce pays imaginaire où seuls les chiens de race ont droit de cité et où les « bâtards » sont bannis (rien à voir avec la Hongrie fascisante de ces dernières années), Hagen rejoint une bande de chiens errants bien décidés à faire périr les hommes sous leurs crocs.  La guerre est déclarée entre l’humanité et les chiens…

La bande-annonce de White Dog (uniquement en VO pour le moment)

Ce scénario à peine vendable à un producteur normalement constitué, Mundruczo en fait d’abord une séquence d’ouverture incroyable, d’une originalité et d’une force visuelle rares. Puis, au fur et à mesure que se déploie le film, dans une mise en scène plus que maîtrisée, la lente dérive vers l’impensable se produit : le réalisateur réussit ainsi le tour de force de marier une atmosphère fantastique et une crédibilité sans faille de la narration, faisant culminer ce mariage a priori contre nature dans une dernière demi-heure carrément flippante qui scotche le spectateur à son fauteuil en l’interrogeant sur la civilisation, le rapport de l’homme à l’animal et la force de l’enfance.

Un très grand film, porté par une photo impeccable et une ambiance crépusculaire. A la sortie de la salle, retrouver le soleil chaud et l’atmosphère du festival est presque improbable. Feher Isten réussit sa mission : on en vient à douter de la limite entre fiction et réalité. Ici, là, au coin de la rue, partout, les chiens attendent. Jusqu’au jour…

Jocelyn Maixent