La musique est un aspect essentiel du cinéma, le Festival de Cannes a aussi su faire usage de celle-ci. Alors que les remises de prix telles que les Césars ou les Oscars ont, elles, des récompenses dédiées à la musique, pourquoi le plus grand festival de cinéma au monde n’en a toujours pas ? Par sa visibilité et sa portée le festival a pourtant une forte responsabilité dans les corps de métiers qu’il met en avant, mais aussi dans l’ensemble des représentations qu’il donne à voir.
La musique à Cannes, sur et sous le tapis
Toute personne connaissant de prêt ou de loin le cinéma a déjà entendu la musique du Festival de Cannes. Cette fameuse musique que l’on entend par exemple à chaque montée des marches, sur le tapis rouge. Et si vous ne vous en souvenez pas, voici une petite piqûre de rappel :
Cette mélodie, c’est celle de Camille Saint-Saëns, Aquarium de la suite Le carnaval des animaux. Or, en 1908, Charles Camille Saint-Saëns est considéré comme le premier compositeur à créer une musique originale pour un film : L’Assassinat du duc de Guise. Film muet réalisé par André Calmettes et Charles Le Bargy qui, comme son nom l’indique, relate l’histoire de cet assassinat.
Ce choix du prestigieux festival, d’utiliser cette musique de film comme marque de fabrique, n’est pas anodin. Cette musique, entendue dans toutes les vidéos ou presque du festival, fait désormais partie intégrante de son identité. Pourtant, la musique est plutôt mise sous le tapis durant le festival.
Cannes Soundtrack, un prix indépendant peu médiatisé
En effet, « à Cannes, il n’y a pas non plus de prix pour la musique » me disait Thibault Cohade, compositeur de musique à l’image, lors d’un entretien. La Palme d’or, le Grand prix, le prix du jury, les prix d’interprétations, de la mise en scène, du scénario, sont autant de récompenses dont on déplore un grand absent : la musique. Mais ce n’est pas pour autant que celle-ci n’y est pas présente et essentielle. Il est donc vrai que le Festival de Cannes ne récompense pas la bande sonore des films sélectionnés, mais le prix indépendant Cannes Soundtrack le fait.
Cannes Soundtrack a été créé en 2010 par Vincent Doerr. A cette occasion, chaque année, un jury composé de journalistes indépendant.e.s décerne un prix à une bande originale parmi les films de la sélection officielle. Rone pour Olympiades en 2021, Pawel Mykietyn pour Hi-han l’année dernière ou encore Roberto Iglesias pour Douleur et gloire en 2019, ont chacun été récompensé par ce prix, qui reste cependant peu médiatisé.
L’absence d’un prix pour la musique, symptôme d’un manque de représentations ?
Mais l’absence d’un prix pour la musique n’est finalement pas la seule à déplorer. Le prix CST de l’Artiste technicien par exemple est quelque peu réducteur. Par la dénomination ‘’Artiste technicien’’ il vise à représenter une multitude de personnes et de métiers œuvrant dans l’ombre pour nous offrir les délices du 7e art : chef décorateur.trice, costumier.ère, monteur.se, mixeur.se,… la liste serait longue. Au-delà du simple fait de récompenser le travail du compositeur ou de la compositrice, il s’agit aussi de reconnaître un travail partagé par beaucoup et cela notamment via cette reconnaissance médiatique.
Mais le festival de Cannes, c’est aussi et surtout des rencontres entre professionnels, un rendez-vous qui détermine une part de l’avenir professionnel de ceux qui travaillent pour le cinéma. La responsabilité du festival de Cannes, en tant que festival reconnu à l’international, est de donner un maximum de visibilité. Cette visibilité passe par celle de professions comme celle de compositeur. Mais aussi beaucoup plus largement par la représentation, la parité, par le type de films présentés ou par le simple fait de donner à voir des cinémas du monde entier.
Thibault Cohade déplore par exemple l’absence, ou tout du moins la sous représentation, des films d’animation : « C’est pareil pour l’animation il y a une souffrance et un manque de quelque chose quelque part. Et Cannes typiquement a une portée. En fait il y a pleins de professionnels qui viennent à Cannes et ce qu’ils y voient peut faire référence pour leur programmation personnelle ou pour la programmation de leur festival. Et ce qu’ils n’y voient pas n’existe pas. Donc effectivement moi je trouve que ce genre de rendez-vous a une responsabilité à montrer ce genre de films et à faire qu’ils existent ».
Cette année seuls quelques films et courts métrages d’animation sont cachés au sein des diverses sélections. On pourrait voir ici la question de l’animation comme une autre problématique que celle associée au manque de reconnaissance des métiers du cinéma, mais elles sont en fait aussi liées. La question étant de savoir s’il serait faisable d’offrir un panel encore plus large, le plus large possible, de tout ce qui existe dans le cinéma, tant dans ses professions que dans les types de films que l’on peut y voir. Le Festival de Cannes étant une vitrine du cinéma dans le monde, il se doit, autant que faire se peut, d’en montrer toutes les facettes professionnelles et artistiques.
En ce qui concerne les compositeurs et compositrices, ce n’est pas la première fois que l’équipe de Clap 8 décide d’écrire sur les métiers de l’ombre du cinéma, un article avait été dédié au sujet l’année dernière. Alors en attendant que les métiers de l’ombre soient enfin mis en lumière, nous continuerons de leur attribuer quelques lignes, à défaut de leur donner des prix.