Interview Pierre Vavasseur – Journaliste et critique cinéma au Parisien

Samedi, 18h sur la terrasse de l’hôtel Croisette Beach. Entre deux projections, l’équipe Clap8 a rencontré Pierre Vavasseur, journaliste et critique cinéma pour Le Parisien – Aujourd’hui en France. Un journaliste passionné et fidèle depuis 30 ans au Festival de cinéma qu’il défini comme « le plus proche du rêve ».

C : Que faites-vous à Cannes ? Quel est votre rôle dans le journal Le Parisien ?

P : Je viens à Cannes depuis 30 ans. Ce que prouve ma carte soirée presse (montre sa carte noire, qui donne accès à tous les événements de Cannes).

Je fais tout ce qu’on fait quand on est à Cannes : je vois des films, je les commente, je fais des interviews, des critiques, je rencontre les acteurs et actrices. J’essaie de rendre compte chaque jour de l’actualité de Cannes dans le journal Le Parisien-Aujourd’hui en France. C’est un journal qui s’intéresse à tout et qui vise tous les publics. On est quatre à le faire.

 

Qu’est-ce qu’une bonne critique de cinéma ?

Bonne question ! Une bonne critique de cinéma, c’est une critique qui vient du cœur. Ce n’est pas une critique qui essaie de dire ce que les autres ont dit ou vont dire. Une bonne critique c’est écouter et faire parler son cœur…ce qui n’est pas toujours facile.

Cannes étant un tel désordre, une somme d’énergie toujours remuée. Et comme vous êtes fatigués vous ne vous souvenez pas tout le temps des films que vous avez vu. Une bonne critique de cinéma c’est : résumer pour le lecteur un effet de bonheur ou un effet de colère. Parce que à Cannes on n’est jamais dans la demi-mesure. Et il faut que le lecteur le sente dans les mots.

 

C’est donc forcément subjectif ?

C’est ça l’art ! Et le journalisme est un art. Il faut que quand le lecteur lise le texte, quelque chose vienne vous toucher et vous traverse le cœur. L’idée c’est d’être sincère.

Je lis entre huit et neuf livres par semaine, je vois une dizaine de films par semaine. On passe notre temps dans les univers imaginaires des autres -la vie de famille n’existe pas trop dans ce métier.

Mais ce qui compte le plus, c’est de rester spectateur…dans le cinéma bien sûr.

C’est  à dire garder ses bonheurs et essayer de les traduire avec les mots. Vous pouvez faire un article de 800 signes et y mettre deux heures, car chaque mot compte si on veut convaincre.

Comment se déroule une journée au Festival de Cannes pour vous ?

Alors cette année déjà, à cause des mesures de sécurité il faut venir une heure plus tôt. Je me couche à 4 heures du matin et me lève à 6 heures. Tous les matins je prends une pause et check les journaux des confrères.

Je pars sur la Croisette  et m’assois au premier rang des films. En sortant de la projection, j’appelle le journal et donne mon avis, on fait le point sur les papiers. Je vais ensuite écrire ma chronique, toujours au même endroit et fait toujours le même nombre de signes j’y tient : 1875 signes. (rires)

A 19h30, on part à la montée de marches,  on brief les photographes. Puis après vient le moment de soirées. Pourquoi aller dans les soirées ? – Où on n’est pas forcément invités, en fonction de nos retours positifs ou négatifs sur les films. On va dans les soirées pour récupérer les échos. Et puis à Cannes, on ne dort jamais. Mais c’est une fatigue formidable ! Et après vous êtes dans le stress parce qu’il faut s’adapter tout le temps. Pourvu que Robert de Niro n’arrive pas sur la croisette en hélicoptère !

 

Quel a été votre film préféré au Festival de Cannes ?

L’humanité de Bruno Dumont. C’est une question difficile parce que à Cannes  on voit beaucoup de choses curieuses. Et ce film là, on n’était pas nombreux à l’avoir aimé. Et c’est plutôt un film pour Libération, pas pour Le Parisien.

J’ai directement appelé le journal en disant que c’était formidable, on a fait la Une totale. On a été le seul journal à faire la Une avec ce film.

 

Et au contraire, le film que vous avez le moins aimé au Festival ?

Irréversible avec Monica Bellucci. Parce que j’ai trouvé que c’était une arnaque. Ca commence par un viol et on remonte l’intrigue. Si on remonte le film dans l’ordre normal de l’action, ca fait un film sans intérêt qui finit par un viol. Je continue à penser que Gaspard Noé a arnaqué les gens en commençant par la fin. Je m’en souviens, c’était en 2002 et j’étais même membre du jury Un certain regard (rires).

 

Si vous pouviez définir le Festival de Cannes en un mot…

C’est la question que je pose aux acteurs. Pour ma part, je dirais « une banalité ». Cannes c’est une autre planète, c’est à dire que tout d’un coup ici tout peut se passer. Il y a quelque chose à Cannes qui est de l’ordre de la bulle…c’est une bunalité. Seulement trois événements ont crevé Cannes : Mai 68, Human Bomb à Neuilly et l’affaire DSK.

 

Quel est votre meilleur souvenir au Festival de Cannes ?

J’en ai beaucoup et ce sont toutes des anecdotes qui font que Cannes est une autre planète : les choses s’organisent autrement à Cannes. Par exemple, la personne que vous n’avez jamais voulu rencontrer à tel point que vous la fuyez, vous pouvez tomber dessus à 4h du matin, et ça c’est la magie de Cannes ! Ici, on est dans une autre dimension pendant 13 jours et vous n’êtes plus vous même.

Il faut savoir qu’à Cannes, le matin on marche à côté de la mer parce que ça n’engage en rien, mais le soir on marche à côté des palaces.

Mais Cannes, je dirais que c’est surtout des rencontres.

 

Chaque année, vous venez toujours avec la même excitation ?

Toujours, et je serai très vexé si le journal m’annonce que je ne vais pas au Festival. On rentre dans un rêve ici. Et j’ai une totale liberté. C’est un paradis incroyable.

 

Quel film pressentez-vous pour la Palme d’or ?

Je vais vous faire sourire, mais généralement je vois tous les films mais souvent j’en loupe toujours un. Et celui que je loupe c’est celui qui a la Palme !

Ma palme cette année, c’est le film de Naomi Kawase « Vers la lumière ». C’est l’histoire d’une technicienne en audio description, elle traduit les images pour les non voyants. Elle fait la rencontre d’un homme, photographe, qui perd peu à peu la vue et en parallèle se voit confronté à sa mere qui perd les pédales et adore aller voir la lumière du soleil couchant. C’est un film d’une grande poésie avec un sujet très original.

Je trouve que cette année la sélection n’est pas la meilleure mais ce film est pour moi la Palme d’or.

 

Interview réalisée par Camille Marechal, Kenza Hamnoune et Clémentine Abadie