Après avoir remporté le prix du jury à Cannes en 2011 avec «Polisse», la talentueuse réalisatrice Maïwenn revient avec son nouveau film en compétition officielle «Mon Roi». Clap8 vous en raconte le tournage à travers les yeux de Jade Debeugny, 21 ans, étudiante en cinéma et stagiaire au sein de l’équipe régie du film. En plus de nous faire partager son expérience et nous livrer les anecdotes de tournage, Jade nous parle de ce métier du cinéma moins connu du grand public : celui des régisseurs, aussi surnommés «les mamans du tournage».
Qu’as-tu-fait en tant que régisseuse sur le tournage de Maïwenn ?
« La régie a des tâches vraiment très variées : aider à trouver des décors, les réserver, gérer le budget accordé, communiquer avec la cantine du tournage, c’est tellement de choses différentes ! Pendant la préparation j’aidais beaucoup à rassembler le matériel pour les différentes équipes. J’ai aussi fait les courses les plus ENORMES de ma vie ! J’ai eu la chance d’être régisseuse plateau c’était vraiment bien. Tu es là pour aider toutes les équipes, c’est vraiment un truc de logistique où il faut qu’on facilite les choses pour tout le monde.
Comment t’es-tu retrouvée à travailler sur le tournage de Maïwenn ?
Ah ! Avec beaucoup de chance ! Une amie de ma mère a rencontré le régisseur général, Marc Cohen, il faisait du repérage sur son lieu de travail pour trouver un décor. Elle a eu l’initiative de demander s’il prenait des stagiaires. Donc à partir de là, j’ai pris le mail et je l’ai un peu harcelé je dois avouer… Honnêtement il faut apprendre à harceler les gens, parce que ça veut dire que tu en veux vraiment. J’ai réussi à avoir un entretien avec lui et un régisseur adjoint, ça s’est super bien passé. C’est sûr, j’ai eu une part de chance mais il faut enfoncer la porte une fois que l’on est devant.
De quoi parle le film «Mon Roi»?
Le film raconte l’histoire d’amour torturée entre deux personnages, Tony qui est jouée par Emmanuelle Bercot et Georgio qui est joué par Vincent Cassel. Ils vont vivre une histoire un peu douloureuse et un peu en montagne russe, parce que Georgio c’est quand même… un beau « connard » et elle a vraiment du mal à se détacher de l’emprise qu’il a sur elle.
C’est quoi le plus important pour être régisseur ?
Avoir un permis, c’est difficile de bosser sans. Moi en tant que stagiaire je n’étais pas censée conduire. Il faut aussi beaucoup d’énergie, car c’est très fatigant, on fait de très longues journées, on arrive toujours les premiers et on part toujours les derniers.
Est-ce que tu penses que régisseur c’est un tremplin pour accéder à d’autres métiers dans le cinéma ou cela peut être un choix de carrière ?
Oui, bien sûr que régisseur est un choix de carrière à part entière, car c’est super sympa, en tout cas moi j’adore! Mais il est vrai que beaucoup de gens passent par la régie avant de faire autre chose. Pour débuter c’est bien, parce qu’on te confie des tâches sur lesquelles tu prends la main rapidement, et en plus c’est un super poste d’observation. Tu es en contact avec absolument toutes les équipes. Après oui il y a des régisseurs qui le restent toute leur vie, parce que c’est super sympa. J’ai appris que tu peux facilement passer d’un poste à l’autre. Rien ne m’empêchera d’être régisseuse professionnelle puis d’avoir six mois pour réaliser un projet à moi et être sur un autre projet comme assistante réalisatrice.
Comment s’est déroulé le tournage ?
On a tourné dans tout Paris ! Il y avait vraiment énormément de décors, on changeait de lieux tous les un à deux jours (excepté un où l’on est resté 15 jours). Parfois même on faisait deux décors par jours. Je n’étais pas chargée de cette organisation mais je sais que pour mes supérieurs ça a été super sportif. Le tournage a duré 10 semaines environ. Il y a eu un peu de tournage dans le Sud de la France, et on a fait 2 jours à Deauville aussi.
Comment était l’ambiance sur le tournage ?
Moi j’ai adoré mais c’est vraiment mon point de vue en tant que stagiaire. J’ai adoré tout d’abord mon équipe régie, j’ai eu beaucoup de travail mais j’étais quand même hyper chouchoutée. Ils m’ont bien entourée. L’ambiance ne pouvait pas être détendue, parce que c’était hyper «speed» au niveau du timing. Il faut toujours faire 10 000 choses ! D’un autre coté, c’était détendu dans le sens où il n’y avait pas de chichi entre nous, on se tutoyait, on était naturels. Après je n’avais pas un poste à responsabilités, j’ai donc été épargnée par énormément de stress.
Tu as eu la chance d’être sur le plateau et de voir Maïwenn tourner, comment qualifierais-tu sa manière de travailler ?
Maïwenn fonctionne beaucoup avec l’improvisation, ce que j’adore personnellement. J’ai ainsi découvert ce type de mise en scène. J’attends de voir le résultat, mais je trouve que ça donne beaucoup de naturel au jeu des comédiens. Maïwenn intervient pendant les prises, elle va beaucoup parler à ses comédiens, et la prise peut être considérée comme bonne alors qu’elle avait parlé pendant (je n’imagine pas le travail du son en post-production !).
Camille Cottin (alias «La Connasse» de Canal+) et Norman Thavaud (de Norman fait des vidéos) jouent dans le film, tu ne trouves pas que c’est un peu surprenant pour un film qui n’annonce pas un scénario humoristique ?
Le thème est difficile mais il y aussi des scènes drôles, et j’espère que ça va bien rendre à l’écran. Camille Cottin a un rôle mais je ne suis pas certaine qu’il soit comique, elle joue l’assistante de Georgio. Le film «Polisse» n’était pas très gai non plus, Maïwenn avait tout de même réussi à mettre des moments drôles. Je pense que là aussi elle a tenu à mettre des moments d’humours.
As- tu des anecdotes de tournages ?
Vincent Cassel se déplaçait entre les scènes sur son segway (véhicule avec deux grandes roues, sur lequel on est debout sur une plateforme), il l’avait eu sur un autre tournage. Parfois je devais le transporter, Vincent me l’a même fait essayer.
Qu’as-tu tiré de cette expérience ?
Depuis le bac je me disais que je voulais faire du cinéma. Travailler sur un tournage professionnel c’est dur, fatiguant. Parfois je faisais des choses pas hyper valorisantes, et les journées étaient longues. Cependant, j’ai tellement adoré que ça a été la confirmation suprême que je voulais travailler sur des tournages plus tard. C’était un épanouissement total pendant 4 mois. J’occupais un poste où tu es obligé de voir les choses très concrètement, mais j’ai quand même eu le droit à des petits moments magiques de cinéma. On a toujours fait attention à ce que j’assiste par exemple à la cascade, à la fausse pluie, à des trucs qui donnent un peu des étoiles dans les yeux. C’est un peu bidon de dire ça, tout le monde le dit, mais c’est tellement une deuxième famille. Tu t’attaches beaucoup aux gens. Je pense que j’ai vécu ce tournage avec plus d’émerveillement que mes chefs qui sont expérimentés, c’était une expérience géniale. »
Clémence PUTEGNAT