Jérôme L’Hotsky est un scénariste français qui a participé à l’élaboration de nombreuses comédies, notamment « Case départ » de Thomas Ngijol et Fabrice Eboué, et « Un village presque parfait » de Stéphane Meunier, sorti en salles cette année. Il a également travaillé en tant que réalisateur, pour le film « Fool Moon » sorti en 2007. Il nous a reçu au bord de l’eau, sur une plage privée de la croisette. Rencontre avec ce scénariste qui vit le Festival de Cannes depuis des années, toujours avec le même enthousiasme.
Pouvez-vous vous présentez en quelques mots ?
Je suis Jerôme L’hotsky, je suis principalement scénariste, j’ai fait aussi quelques projets en réalisation notamment un film qui s’appelle Full Moon, j’espère que vous l’avez vu, même si vous n’êtes pas beaucoup à l’avoir vu (il rit). Je m’apprête aussi à faire de la production de cinéma.
Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots comment on élabore un scénario ?
D’abord, pour les scénaristes professionnels que nous sommes, il y a deux cas de figure : soit c’est une commande, donc là on nous demande de travailler pour un scénario déjà écrit, une version qui a besoin d’être améliorée. Soit on écrit des scénarios que l’on appelle « on spec», c’est à dire une idée qui est la notre et que l’on développe soit complètement en version dialoguée, soit sous forme de traitement et que l’on va vendre par la suie. Personnellement, j’ai fait beaucoup de commandes ces dernières années, et donc là évidemment tout dépend des commandes que l’on dispose.
Le processus doit être différent en fonction des différents projets sur lesquels vous êtes amené à travailler, non ?
Effectivement. Je vous donne un exemple : on a commandé une adaptation, c’est d’ailleurs un film qui est encore à l’écran qui s’appelle « Un village presque parfait ». C’était un film québecois, donc là on part d’un matériau très avancé puisque le film existe déjà. Mais de manière générale on passe toujours par le biais du séquencier.
Est-ce que ça vous arrive d’aller directement démarcher un producteur ou un réalisateur avec votre propre idée ?
Oui bien sur. C’est une autre façon de travailler.
De manière générale, vous travaillez seul ou en groupe ?
J’ai travaillé longtemps seul et dans ce cas là on va travailler très vite avec le réalisateur pressenti puis avec le producteur. Mais depuis quelques temps je travaille avec un petit groupe d’auteurs, donc là on peut dire que j’ai les deux expériences, travailler seul et en équipe.
On a remarqué que vous écriviez principalement pour des comédies, pourquoi ce choix ?
Parce que je suis drôle. (rire)
Cela fait combien de temps que vous venez à Cannes ? Comment faites-vous pour avoir vos accréditations ?
Cela fait vingt ans que je viens chaque année à Cannes. Je suis un auteur professionnel donc je suis directement accrédité par notre organisme de référence qui s’appelle la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques). Ils disposent d’un quota de places assez important pour les auteurs, il est rare qu’on n’obtienne pas d’accréditations. Je sais que pour les comédiens il y a souvent plus de demandes que d’offres. Pour les auteurs, il y a toujours de la place.
Au cours de ces vingt ans, quelles sont les différentes raisons qui vous ont amenées à venir au festival ?
Je pense qu’il faut bien faire la part des choses, au festival il y a très peu de gens qui viennent dans le cadre d’un film en sélection. La plupart des gens viennent pour le marché du film, qui existe depuis moins longtemps que le festival, -environ trente ans – qui représente vraiment un aspect parallèle aux films en compétition, où on vient uniquement pour vendre ou acheter. Donc je fais parti de ces gens qui viennent pour vendre ou acheter des choses, en général c’est plutôt pour les vendre. Le Festival nous permet aussi de garder un réseau professionnel actif, et ça c’est très important, ou le nourrir et rencontrer des personnes avec qui on pourra travailler par la suite.
Justement, quelles sont les rencontres professionnelles les plus marquantes que vous avez faites à cannes ?
Une m’a particulièrement marqué, c’était lors de mes premières années à Cannes. On dit souvent qu’en France c’est très difficile de rencontrer les gros producteurs, les personnes importantes dans le cinéma, contrairement aux États Unis ou c’est souvent plus simple. Je pense que c’est vrai. Les premières années où je suis venu à Cannes avec un projet de producteur, je ne connaissais personne, j’étais avec un de mes associés et on a essayé de voir Harvey Weinsten le patron de Miramax, on peut pas faire plus gros dans le monde,et bien ce monsieur nous a reçu pendant vingt minutes dans le hall du Carlton, le lendemain de notre demande. J’avais trouvé ça assez exceptionnel, il nous a donné notre chance, on a failli faire le film avec lui mais ça ne s’est pas fait pour des raisons techniques. Ça reste une rencontre extraordinaire, rencontrer Harvey Weinstein alors qu’on n’avait aucun contact, c’était formidable.
Quel film et particulièrement quelle histoire vous a le plus marqué en vingt ans de festival ?
Je vais vous donner une réponse assez classique : Pulp Fiction mais aussi le film de Michael Haneke, Funny Games, qui a fait un véritable scandale à l’époque. Michael Haneke a d’ailleurs fait un remake américain de ce film avec Tim Worth. Ça m’a vraiment marqué parce que tout le monde sortait de ce film, dont moi, en se disant « mais qu’est-ce que c’est que ce truc?C’est scandaleux, on nous prend en otage, c’est hyper violent etc. » Et le lendemain, comme beaucoup d’autres gens, je me suis dit que j’avais vu un chef d’œuvre. C’est étrange le cinéma parfois.
Et cette saison ?
Alors cette saison c’est très clair, je n’y suis pas encore allé. Je ne vais pas voir beaucoup de films, mais par contre je m’intéresse aux avis des gens, j’écoute.
Est-ce que vous avez envie de continuer à écrire des histoire pour le cinéma, ou avez vous envie de faire autre chose ?
Je n’ai pas encore vraiment fait de la production, j’aimerais beaucoup en faire pour des raisons de liberté éditoriale, et pour travailler avec d’autres gens. Sinon, j’aimerais aussi beaucoup faire du montage, parce que je trouve que ce qu’il y a de formidable dans le matériau audiovisuel c’est le montage. Je ne fais pas parti des personnes qui croient que l’élaboration d’un film commence réellement au montage, en tant que scénariste je n’ai pas envie que l’on change grand-chose, mais ça me fascine tout de même, je trouve ce processus assez magique, donc je pourrais être monteur.
Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent devenir scénariste ?
Écrire. Certaines méthodes qu’on apprend dans les différentes écoles sont très intéressante mais je pense que ce qu’il y a des plus important c’est la pratique. Moi j’écris beaucoup, et je m’astreint comme un romancier à écrire au moins 4 pages par jour. Je sais que les romanciers qui écrivent beaucoup se donnent ce genre de repère. Je pense qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer, d’écrire ce que l’on a envie d’écrire.
L’envie de devenir écrivain vous a t-elle déjà traverser l’esprit ?
En fait je n’ai pas vraiment le temps parce que j’ai la chance d’avoir beaucoup de commandes. Être écrivain représente un travail bien supérieur au notre. Quand j’écris 100 000 signes pour un scénario, un romancier en écrira 500 000 . Depuis que j’ai compris ça, j’ai beaucoup plus de respect pour les romanciers, et même les mauvais.
Clémence Putegnat et Alexandra Papouin
Le 21 mai 2015