Un film yougoslave à plusieurs reprises à Cannes

Un film yougoslave à plusieurs reprises à Cannes

J’ai même rencontré des tziganes heureux (Skupljači perja) est un film yougoslave réalisé par Aleksandar Petrovic, sorti en 1967.

« Dans leur vie la réalité est liée à la fantaisie – ce sont des hommes libres …

J’ai même rencontré des Tziganes heureux est le premier film dans lequel les tziganes parlent leur langue.

La plupart des rôles sont interprétés par de vrais tziganes – ils ne jouent pas dans ce film – c’est leur film. Ils jouent, pour ainsi dire leur propre destinée.»

Aleksandar Petrovic

Résumé : de nombreux tziganes vivent dans la vaste plaine de la Voïvodine, en Serbie, où ils exercent de petits métiers. Vivant de son commerce de plumes d’oie, Bora, jeune et insouciant, se veut libre mais il est marié à une femme plus âgée. Il rencontre Tissa, une jeune sauvageonne, et s’éprend d’elle. Mais Mirta, beau-père de Tissa, déjà son rival en affaires, le devient aussi en amour.

Ce film a eu sa première au festival de Cannes en 1967 en compétition officielle, où il a reçu le Grand prix spécial du Jury. Aleksandar Petrovic, étant membre du mouvement yougoslave intitulé la vague noir et inspiré par la nouvelle vague française, fait un grand pas dans sa promotion et sa reconnaissance mondiale. Après le festival de Cannes, le film a été montré et orné par des prix différents sur plus de 30 festivals.

En 2017, ce film est devenu le premier film serbe (étant donné que la Yougoslavie comme pays n’existait plus) présenté dans la sélection Cannes classics. La même année, en octobre, ce film sort en salles en France. Ce film est encore considéré comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la cinématographie serbe et il a sûrement été une grande inspiration pour les auteurs régionaux, comme par exemple Emir Kusturica, qui a subi un succès similaire plusieurs dizaines d’années après.

La chose la plus intrigante, qui donne à ce film son authenticité devrait être la narration réaliste et brute, qui parfois laisse l’impression au spectateur qu’il regarde un film documentaire, où rien n’est construit ou imposé par le scénario. Aleksandar Petrovic ose montrer la joie quotidienne de l’homme profondément malheureux et cela peut faire peur. La musique, prenant une grande place dans le film, suit l’action et joue également son propre rôle dedans. Non seulement elle dépeint parfaitement l’atmosphère mais elle annonce aussi le destin, un peu comme le choral dans les tragédies grecques. Pour les courageux je laisse dans la suite la traduction des paroles de la célèbre chanson tzigane de Chandor Lakatoch Djelem, Djelem, qui fait une sorte de manifeste du film :   

J’ai erré le long des chemins

Des chemins, de longs chemins.

Ils ont battu mon père, oh ma mère,  

Ils m’ont jeté dans l’eau froide.  

Oh ma mère qu’as‐tu fait de moi?

Tu as laissé tes enfants orphelins,  

Deux sont morts un erre sans fin.  

Oh mère, qu’as‐tu donc fait?

Tu m’as laissé seul sur les routes,

Pauvre de moi ma mère.

J’ai erré le long des chemins.  

J’ai même rencontré des Tziganes heureux.