Yves Alion : Rédacteur en chef d’Avant-Scène Cinéma

Yves Alion est rédacteur en chef d’Avant-Scène Cinéma. Cette revue perdure depuis 1961, à hauteur de dix tirages par an.

 

Quelle est la différence entre votre travail à Paris et à Cannes ? 

Mon travail à Cannes consiste à voir des films et rencontrer des gens que j’aime bien, et puis prendre du bon temps. Alors, est-ce que c’est du travail ? Mon travail à Paris n’est pas suffisamment encadré pour que je puisse dire que j’ai un travail à Paris. En fait j’ai toujours eu un patchwork d’activités dans différents médias ou différentes causes, qui à la fin du mois finissaient par former un tout. Maintenant je n’ai pas un travail. Même ce travail à l’AvantScène n’est pas le même tous les mois. Il y a des numéros sur lesquels j’interviens beaucoup et des numéros sur lesquels j’écris très peu, où je me contente d’être rédacteur en chef. En fait il n’y a pas deux mois qui se ressemblent.

 

Trouvez-vous autre chose que du réseau professionnel à Cannes ?

Oui, je vois des films ! Maintenant c’est vrai que c’est sympa de rencontrer des gens. On a l’impression que c’est très furtif et très léger, mais en réalité quelques fois on fait des vraies amitiés à Cannes. Ça m’est arrivé. Voilà, on parle beaucoup, on croise beaucoup de gens qui disent « salut ça va ? », « oui ça va ! », « t’as vu ça ? », « oui j’ai vu ça ! », « à la prochaine ! ». C’est vrai que c’est pas toujours formidable. Maintenant, ça fait trente ans que je viens à Cannes et mon vécu cannois n’a pas toujours été le même. J’ai commencé comme l’un des journalistes de La Revue du Cinéma, et je voyais cinq films par jour, j’avais l’impression de pas sortir de la salle de cinéma. En fait les dix années les plus intéressantes ont été les dix années pendant lesquelles j’ai travaillé pour les festival, toutes les années 90, où j’animais Un certain regard et les hommages. Avec en moyenne vingt-cinq réalisateurs par an, ça fait déjà près de 250 rencontres. Pendant ces dix ans, j’ai beaucoup interviewé, notamment pour le cahier du festival, présenté des films, animé des conférences de presse… Vraiment je courrais dans tous le sens, c’était de l’adrénaline à 100%, et c’était bien. Voilà, et maintenant c’est cool et c’est bien aussi.

 

Et après 30 ans de festival, les années se ressemblent-elles ?

Mes premières années ne ressemblent pas aux années actuelles. Et même elles ne se ressemblent pas vraiment entre elles. Ca dépendait et du contexte et des invités que j’étais invité à côtoyer ou pas. C’est vrai qu’il y a eu une année où Anjelica Huston présentait son film, donc j’étais un peu avec elle, et il y avait Al Pacino. Je me suis retrouvé avec Al Pacino sur scène, à traduire ce qu’il devait dire. Alors je flippais en me disant que j’allais rien comprendre. Finalement, ça c’est pas trop mal passé. Et la même année, en parallèle du festival, on m’a proposé d’animer une conférence de presse. Voilà donc je me souviens de cette année-là car c’était assez concentré. Je dois dire que j’en suis ressorti assez heureux. Il y a d’autres années qui étaient moins excitantes et maintenant, je vois des copains, je vois quelques films dans la journée, et je fais des rencontres comme aujourd’hui (il rit).

 

Quelle est votre plus belle rencontre à Cannes ?

On fait des rencontres tous les ans ! De là à dire marquantes, ça dépend de ce qu’on appelle marquant : si j’en ai gardé un lien affectif ou si c’était incroyable, ou encore totalement débile… J’ai le souvenir d’une année où il y avait une rétrospective John Ford, et j’ai rencontré Claire Trevor. Elle donnait la réplique à John Wayne dans La Chevauchée Fantastique en 1939. Maintenant, sur le plan du cinéma, si je devais citer une rencontre, il s’agit de Dino Risi. Il était pour moi l’un des plus grands cinéastes du monde. On a gardé le lien, on s’est appelé, on s’est écrit jusqu’à sa mort. Aussi, il y a la cinéaste chinoise Xiao-Yen Wang. Elle est venue en 1995 à Un Certain Regard avec son premier long-métrage qui s’appelait La môme singe. C’était il y a maintenant 20 ans et nous sommes toujours très amis. Non seulement je la vois aux Etats-Unis quand je m’y rends, mais aussi deux ans après notre rencontre, nous nous sommes fait un mois de voyage en Chine. C’est là où je me disais que finalement, les rencontres à Cannes ne sont pas si volatiles que ça.

  

Pour vous, quels sont les meilleurs film de cette saison 2015 ?

De ce que j’ai vu en compétition qui m’a vraiment plu, je dirais le film de Moretti et de Todd Haynes. Les Cowboys aussi, qui est passé à la quinzaine. Ce sont vraiment les deux qui m’ont le plus plu en compétition, mais après je ne les ai pas tout vu. Et bien sûr il y en a que j’ai vu et qui ne m’ont pas plus emballé que ça. Bravo à tous ceux qui arrivent à remplir le tableau de quotation, en ayant quasiment aucune case vide. Ça demande vraiment de se lever tôt le matin et de se coucher tard le soir, et de ne pas beaucoup arrêter entre les deux. Moi, je prends davantage mon temps !

 

Et le moins bon film ?

Alors j’attendais pas énormément du film de Valérie Donzelli, dont j’avais beaucoup aimé La guerre est déclarée. Le moins qu’on puisse dire, c’est que celui-là, je n’ai pas accroché. Et c’est peu de le dire (il sourit) ! Non mais c’est pas intéressant de dire du mal des films. C’est tellement de boulot, c’est tellement d’investissement de faire un film. Bravo à tous ceux qui en font un. Et j’ai rencontré des gens qui avaient aimé son film, je suis très heureux pour elle.

Pauline Auffret