Histoire du cinéma d’Extreme-Orient à Cannes

Histoire du cinéma d’Extrême-Orient à Cannes

Après avoir écumé les archives et palmarès de Cannes, j’ai constaté que l’Extrême-Orient a souvent répondu présent à l’appel du Festival et ce, quasiment depuis le début de l’aventure cannoise. La sélection se voulant éclectique dès le départ, la première édition officielle qui eu lieu en 1946, offrait onze Grand Prix sur près de onze pays : La France, le Danemark, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Inde, l’Italie, le Mexique, la Suède, la Suisse, l’U.R.S.S et la Tchécoslovaquie. Aucun signe des cinéastes d’Asie de l’Est pour cette première Cannoise, mais cela ne saurait tarder.

Le cinéma japonais, première coqueluche du festival

Il faudra attendre six festivals et l’année 1952 pour voir des réalisateurs japonais faire leurs apparitions avec trois films en compétition. Parmi ces trois films, Le Roman de Genji de Yoshimura Kozaburo sera récompensé par le Prix de Photographie et de Composition Plastique. Deux ans seulement séparent le premier prix, du premier film asiatique à décrocher le graal, la Palme d’Or, appelée à l’époque Grand Prix (nommé Palme d’Or en 1955) avec Les Portes de l’Enfer de Teinosuke Kinugasa. Le commencement d’une histoire d’amour entre le cinéma Japonais et le Festival de Cannes se dévoile. Au total, six films récompensés de 1952 à 1961: Tendre et Folle Adolescence et Kagi de Kon Ichikawa, Le Héron Blanc et Les Portes de l’Enfer de Teinosuke Kinugasa, Le Toit du Japon de Sadao Imamura et Le Roman de Genji de Yoshimura Kozaburo. Et pas une miette à se mettre sous la dent pour les contrées voisines.

1962, année où le réalisateur hongkongais Li Han-Hsiang viendra s’illustrer pour ses décors avec La Concubine Magnifique, ne sera pas celle du déclic pour l’ensemble des cinéastes d’Extrême-Orient. Le pays du soleil levant continuera d’asseoir la stature de son cinéma à l’aide de monstres sacrés comme Masaki Kobayashi, célèbre pour son film Kwaïdan qui reçu le prix du Jury en 1965; Imamura Shohei, un des rares vainqueurs de deux Palme d’Or (1983-1997), ou encore Akira Kurosawa, premier cinéaste asiatique à remporter la Palme d’Or en 1980. Quatorze récompenses pour le Japon si l’on avance jusqu’en 1990, tandis que le cinéma hongkongais et taïwanais en comptabilise une chacun, et le cinéma chinois et coréen, zéro. Il était alors impossible d’imaginer la fin de l’hégémonie du cinéma japonais sur les récompenses Cannoises.

Cannes dévoile ses marches aux autres candidats de l’Asie de l’Est 

De 1990 à aujourd’hui, si l’on tient compte de la création de la Cinéfondation, de la Caméra d’Or et des prix un Certains Regard en plus de la Palme d’Or, les réalisateurs japonais ont nettement moins la côte, ou du moins, subissent l’arrivée des nouvelles vagues chinoises et sud coréennes. Douze récompenses, dont sept en compétition officielle, pour Imamura Shohei (JAP) et ses compatriotes. Dix-neuf récompenses, dont treize en compétition officielle, pour les compères de Jia Zhangke (CHN) et treize récompenses pour ceux de Park Chan-Wook (KOR), dont sept en compétition officielle. 

Après un tapis rouge bien souvent aux couleurs du soleil levant, le festival devient essentiel pour l’essor du cinéma chinois au sein des années 90 avec des révélations tel que : Chen Kaige, premier réalisateur chinois primé d’une Palme d’Or à Cannes en 1993 avec Adieu ma Concubine. Zhang Yimou, récompensé trois fois sur deux éditions successives 1995-1996 avec Vivre ! et Shanghai Triad. Wong Kar-Wai et ses inoubliables Cannois : Happy Together et In The Mood for Love. Ou encore plus récemment, le magnifique Jia Zhangke, d’Au-delà des montagnes et A Touch of Zen.

Les différents jurys qui se sont composés à travers les éditions ne boudent pas pour autant les autres cinéastes d’Extrême-Orient. Tran Anh Hung, franco-vietnamien, reçoit la caméra d’Or 1993 pour l’Odeur de la Papaille Verte. Edward Yang, réalisateur taïwanais, fut récompensé pour sa mise en scène avec Yi-Yi en 2000. Apichatpong Weerasethakul, prix du jury en 2004 avec Tropical Malady, est l’unique cinéaste thaïlandais palmé, en 2010 avec Oncle Boonmee. Et, Hou Hsiao-Hsien, taïwanais, est un habitué de la croisette avec huit nominations en trente ans, récompensé finalement en 2015 pour The Assassin. 

Le pays du matin Frais sous le soleil de Cannes 

La présence de la Corée du Sud devient importante sur le marché du film cannois dans les années 2000, et ce n’est pas pour déplaire à Boon Jong-Ho. Il y a des raisons historiques à cela. En 1999, So-Poong de Song Il-Gon, est le premier court-métrage coréen en compétition, et remporte la Palme d’Or du Court. 

En 2000, Le Chant de la fidèle Chunhyang d’Im Kwon-taek, est quant à lui, le premier long-métrage coréen en compétition à Cannes. Une première entrée réussie pour Im Kwon-taek puisque, deux festivals plus tard, il viendra décrocher le premier trophée pour le cinéma sud-coréen en sélection officiel, avec le très poétique Ivre de Femmes et de Peinture pour sa mise en scène. Depuis, Park Chan-wook, Lee Chang Dong, Hong Sang-soo sont les figures de prou du pays du matin frais sur la Croisette. Et, donnent confiance aux jeunes générations irradiants la compétition, à l’image de Na Hong-jin et son intriguant The Strangers, ou bien Yeon Sang-ho avec un Dernier Train pour Busan. D’ailleurs, la Cinéfondation, sélection fondée en 1998, visant à aider les jeunes réalisateurs du monde entier en école de cinéma a remis quatre prix à de jeunes sud coréens sur ces dix dernières années, en faisant ainsi le pays asiatique le plus plus titré de cette sélection.

Une preuve qu’ils n’ont rien à envier à leurs voisins chinois ou japonais. Rien… enfin presque. La précieuse récompense qu’est la palme d’Or n’est toujours pas dans la salle des trophées sud coréenne. Alors qu’elle brille dans les vitrines thaïlandaises avec Oncle Boonmee, chinoises avec Adieu ma Concubine, et japonaises avec Une affaire de Famille, l’Anguille, La Balade de Naramaya, Kagemusha, les Portes de l’Enfer.

Cette année, Bong Joon-ho sera l’unique sud-coréen à concourir pour la Palme d’Or avec son film Parasite. Si l’on tient rigueur de la renommée des réalisateurs présent à Cannes. C’est à dire, Tarantino, Almodovar, Malick, Loach, Kechich, Jarmusch, Dolan, les frères Dardenne, et Mendosa Filho, les chances pour l’illustre réalisateur de Memories of Murders s’amenuisent. Mais dans la mesure où, celui ci gagne cette Palme d’Or 2019, il entrera irrémédiablement dans le panthéon du cinéma Sud-Coréen et celui du Festival de Cannes, par la même occasion. 

Un petit cadeau pour la fin. Voici un PDF compilant les affiches des films d’Extrême-Orient primés à la sélection officielle, excepté deux films : So-Poong de Song Il-Gon (KOR), Palme d’Or 1999 : Prix du Court-Métrage (ex-aequo). Le Toit du Japon de Sadao Imamura (JPN), Palme d’Or 1957 : Prix du Documentaire Romanesque (ex-aequo).

Les affiches des films primés à la Palme d’Or