Les fantômes de l’été 2017

Retour personnel sur Les fantômes d’Ismaël, film d’ouverture sorti en salle le 17/05/2017 

Par Elise Yaravel, le 19/05/2017 à Paris

Ce matin, vendredi 19 mai à Paris, c’est tout gris et ce ciel de parapluies me fait miroiter le rouge d’un certain tapis… Il faut dire que les festivités sont lancées depuis 2 jours et qu’il me tarde d’y mettre les pieds. En attendant, direction une salle d’un des Cinémas Indépendants Parisiens où je pars à la rencontre des Fantômes d’Ismaël d’Arnaud Desplechin, film hors compétition, présenté en ouverture de cette 70e édition du Festival de Cannes.

En chemin vers ma croisette de substitution, je me dis ne pas avoir tellement d’a priori car je n’ai pas cherché à lire ou entendre de commentaires sur ce film. Je me dis aussi que je connais mal le réalisateur et qu’il est hors de question de faire croire le contraire au travers de cet article. Comme cela m’empêchera de comparer la réalisation en question à ses consœurs aînées, je vais devoir  contenter de ce que je vois, entends et ressens pour vous en dire quelques mots.

En entrant dans la salle, je connais donc le nom du réalisateur, celui des acteurs et j’ai cette ligne en guise de synopsis : À la veille du tournage de son nouveau film, la vie d’un cinéaste est chamboulée par la réapparition d’un amour disparu… La seule réflexion que je suis capable de mener à ce moment est que le film d’ouverture n’est pas une prise de risque au vu du casting (Mathieu Amalric, Marion Cotillard, Charlotte Gainsbourg, Louis Garrel, Hippolyte Girardot)… Enfin, je me dis que le challenge n’est pas bienvenu pour ouvrir un festival de toute façon. Quoi qu’il en soit, ces têtes d’affiche-là, au moins, ont le mérite de représenter le talent de la France pour le 7Art de manière plus évidente que les talons ayant couru la Présidentielle 2017 !

[…]

Je constate que le public sort de salle sourire aux lèvres mais encore me faut-il savoir pourquoi je sors moi aussi Mona Lisa de ces deux heures-là et la réponse vient assez rapidement : on prend un malin plaisir à se faire berner. On comprend que le scénario s’éclate, que les histoires se croisent, que les identités se démultiplient et, bien que conscients, on se laisse volontiers mener en bateau. On est presque acteur au demeurant que le film devient thriller car on tente de dénicher les indices et on redouble d’attention quant aux couleurs, cadrages, points de vue, comportements, ambiances sonores, vocabulaire, cadre spatio-temporel. Comme Ismaël, ça nous empêche de dormir et ça nous échappe autant que ses histoires l’habitent.

La virtuosité du scénario et des acteurs nous traîne de vies en villes, de réel en rêve et de cauchemars en survie. On tient là une narration suffisamment romanesque et hors de la société pour mettre au placard la lourdeur électorale des derniers mois. Ca y est Cannes, l’eau nous vient à la bouche. On te prend à bras le corps et on te serre très fort parce que cette année on t’aime peut-être plus fort que les autres années encore. Prends-nous la main, balade-nous des strass du palmarès à la sueur du Philippe Chatrier et jette-nous enfin dans l’ivresse de l’été jusqu’au retour des fantômes, comme toujours, ou de la réalité.