Rencontre avec Mads Mikkelsen #2 : Les secrets de tournage

Le 26 mai 2022, le Festival de Cannes a invité le comédien danois Mads Mikkelsen pour une rencontre avec le public. La parole a été laissée à l’audience pour une séance de questions/réponses. De nombreuses questions très variées ont été posées à l’acteur. Finalement, a-t-on réellement besoin de rappeler qui est Mads Mikkelsen ? Il nous le dit lui-même dans cette interview. 

Après nous avoir parlé de son métier de comédien dans l’article #1, Mads Mikkelsen, revient sur plusieurs tournages sur lesquels il a eu la chance de travailler. Hannibal, Les animaux fantastiques, Drunk, ou encore le prochain Indiana Jones… voici de nombreuses anecdotes pour ravir les fans !

Pour CLAP8, j’ai sélectionné quelques questions, que j’ai retranscrites et traduites (de l’anglais vers le français) ci-dessous.

 

Y-a-t-il quelque chose que vous pouvez nous raconter à  propos du nouveau film Indiana Jones et à propos de votre collaboration avec James Mangold ?

Je peux  tout vous dire, mais après il faudrait que  je vous tue ! *rires du public* Que je tue tout le monde dans la salle. Nous n’avons pas le droit d’en parler, mais je suis très heureux de participer à ce projet. 

J’ai vraiment aimé faire partie de ce monde. C’est un vrai film Indiana Jones « old school », dans le temps, le look du film, le tout. Est-ce que Harrison Ford pourrait toujours faire ses propres cascades ? Il le pourrait ! Alors si je pouvais être aussi en forme que lui à 80 ans, ça serait formidable !

À propos des animaux fantastiques : Comment était le tournage ? Avez-vous été inspiré par le personnage de Johnny Depp au préalable, ou avez-vous créé un nouveau personnage de Grindelwald, à votre image ? D’ailleurs, avez-vous regardé Harry Potter avant de jouer le personnage de Grindelwald ?

Est-ce que j’ai vu les films d’Harry Potter ? Oui je les ai vues, car ma fille était fan ! On regardait ensemble et j’adore cet univers. J’ai adoré travailler sur les films. 

J’aime tous mes réalisateurs. David était le réalisateur, et je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi agréable de toute ma vie, c’était fou ! Si j’avais oublié tout mon texte et complètement raté la scène, il me disait “ça me plait vraiment !”. D’accord David, mais tu peux me dire que c’est nul ! Il disait toujours les choses de façon plaisante. Il a créé une atmosphère où tout le monde se sentait comme à la maison. Je me sentais comme à la maison.

J’ai essayé d’en faire mon propre personnage. Je suis un grand fan de Johnny Depp, donc essayer de le copier aurait été un suicide. Il faut aller autre part, c’est la seule manière de le faire.

Va-t’il y avoir plus de films Les animaux fantastiques ?

Je ne sais pas, peut-être ! Il y a 5 livres et il y a 3 films, faisons le calcul ! *rires*

Comment avez-vous fait pour jouer le personnage de Hannibal Lecter après la superbe performance de Anthony Hopkins ? Avez-vous voulu être différent ? Vous êtes-vous  inspiré de lui ? Comment avez-vous réussi ? 

C’est la même situation que nous avons eu avec Les animaux fantastiques. On ne peut pas le faire de cette façon ! Il n’y a aucun moyen que je travaille en le copiant, ça c’était évident. 

Pour nous, c’était un Hannibal complètement différent. Il me semble qu’Anthony Hopkins était 15 minutes à l’écran. Tandis que moi dans la première saison je devais avoir 13 heures ! Pour nous c’était une lente construction. Nous voulions commencer l’histoire à un endroit différent. Avant qu’Hannibal soit en prison. C’est-à-dire, quand il menait une vie normale, quand il se faisait des amis, quand il agissait « normalement ». Nous faisions quelque chose de complètement différent. C’est ce qui a rendu les choses vraiment plus faciles. J’ai regardé le film de nouveau, effectivement, mais je ne voulais  rien copier, c’était juste trop bon !

Je fais une thèse sur  l’attractivité des méchants dans les films. Quand nous pensons à la performance d’Hannibal Lecter de Anthony Hopkins nous pensons que c’est un monstre, qu’il est affreusement effrayant. Mais quand on pense au vôtre, on pense qu’il est sexy ! *rire dans la salle* Même s’ il mange des gens, pourquoi pensons-nous qu’il est attirant ? Est-ce quelque chose que vous avez essayé de faire ?

Heu, je ne sais pas… *rire* Je dois faire attention ici. 

Vous savez, je voulais aussi regarder Anthony Hopkins tout le temps. Je ne pouvais pas attendre la prochaine scène avec lui. Je pense que les méchants/gentils bien joués nous interpellent. Nous sommes curieux, nous voulons entendre leurs histoires. 5 minutes après avoir inventé Dieu, en tant que race humaine, nous avons inventé Satan. Ce sont des récits qui font partie de nous tous. Il y a quelque chose que nous trouvons curieux. C’est pourquoi les gens trouvent les personnages bien écrits et dessinés intéressants. C’est l’autre côté de la pièce. Je pense que c’est ça, mais je ne suis pas sûr…

Pour finir, vous avez raison, il est assez sexy ! Je suis d’accord avec vous *rires*

Lorsque Drunk de Thomas Vinterberg a gagné l’oscar pour le meilleur film étranger, ce fut très émouvant pour Thomas, pour différentes raisons bien sûr. Quelle a été votre réaction quand vous avez découvert que vous aviez gagné et avez-vous pu le célébrer ? Notamment, à cause du covid, mais aussi à cause de ce qui est arrivé ?

La fille de Thomas est décédée à 18 ans dans un accident de voiture lors du tournage de Drunk, il a dédié son film à sa fille disparue.

J’étais seul à Londres, en train de regarder le direct. Le reste de l’équipe étaient à Saint-Tropez, car c’est l’endroit où nous avions majoritairement produit le film. Ils regardaient tous ensemble. Thomas et Elena étaient à Los Angeles. Personnellement, j’étais très nerveux, je voulais tellement que ce film gagne. Alors dès que j’ai su, c’était fantastique ! Nous nous sommes téléphoné tout de suite.

À propos du discours, quelqu’un a dit que c’était inspiré d’un événement tragique. Mais ce n’est pas vrai, c’était inspiré de quelque chose d’autre et puis quelque chose de tragique est arrivé, un désastre.

Quel est pour vous le plus gros challenge physique que l’on vous ai demandé de réaliser pendant un tournage ?

Je tournais dans le film Valhalla Rising. Je jouais un viking donc je n’avais pas beaucoup de vêtements. Il faisait super froid et je devais me battre tous les jours contre la boue que j’avais jusqu’au coude ! C’était juste totalement fou ! *rire* D’ailleurs, le film est magnifique.

Maintenant que nous savons que vous n’avez jamais vu les films Star Wars et les James Bond, y-a-t-il toujours un film, considéré comme un classique, que vous n’avez pas vu ? Un film pour lequel la salle réagirait par un “WAOW” en l’apprenant ? *rires*

Il y a beaucoup de films que je n’ai pas vu. Surtout car j’ai l’habitude de regarder majoritairement des films dans lesquels je suis acteur. *rire* Ce qui crée quelques limites ! J’ai regardé beaucoup de films quand j’étais jeune. C’est un peu différent maintenant, car c’est un processus différent avec mon travail. Mais j’en regarde parfois. 

Je n’ai jamais vu Citizen Kane ! *Waow, l’effet est produit dans la salle* Je sais que tout le monde l’aime, mais sérieux, je ne suis pas le seul ! Ce n’est pas un Blockbuster.

Didier Allouch : Qui n’a jamais vu Citizen Kane dans la salle ? *beaucoup de mains se lèvent* Non impossible ! Il faut que vous le regardiez. 

Mads Mikkelsen : Je sais que ces personnes qui lèvent la main regardent beaucoup de films de Bruce Lee *rires*

Je suis un fanatique de danse moderne jazz, quand je vois la scène finale de Drunk, j’ai toujours une larme à l’oeil. En tant que danseur, comment ressentez-vous cette scène finale ?

En tant qu’ancien danseur, j’aurais sûrement voulu faire quelque chose de différent. J’aurais peut-être voulu que celui qui danse soit un peu plus jeune *rires*

En tant que public, j’adore la scène, chaque partie. Mon personnage est rouillé, mais il l’est pour une raison. J’ai commencé par détester la scène puis j’en suis tombé amoureux. Il y a énormément de raisons pour lesquelles j’aime cette scène.

Nous recherchions la musique depuis un moment, plusieurs idées émergeaient. Puis Elena,  la femme de Thomas, a suggérée « et pourquoi pas celle là ? » et je l’ai aimé immédiatement. J’ai reconnu qu’elle était sortie depuis un moment, et je l’ai adoré. 

Par rapport au film Drunk, il se trouve que le chanteur principal du morceau, je le connaissais déjà, car ma fille m’avait dit que son nom était Émile. J’ai reconnu sa voix dans la chanson. Il s’avère que quand ma fille était adolescente, je l’ai récupéré plusieurs fois après des soirées et lui aussi ! Il était totalement alcoolisé *rires* et il était super gentil ! À deux occasions, il portait un énorme pack de bière qu’il voulait ramener chez lui. Et je me souviens me demander « comment tu peux être si bourré sans avoir bu une seule de tes bières » à parement il avait de bons amis. *rires*  Nous avions déjà une relation qui impliquait l’alcool quand il était très jeune ! *rire* D’un coup c’était lui le chanteur principal qui jouait la chanson de notre film. C’est une merveilleuse chanson, d’ailleurs. Merci !

Je souhaite vous parler d’un super projet que vous avez mené qui n’est pas forcément du cinéma, ou peut-être nous direz-vous que c’est le futur du cinéma. Comment avez-vous appréhendé le fait de jouer dans le jeu vidéo Death Stranding de Hideo Kojima ?

Il y avait une histoire et des scènes, mais nous ne réalisions pas vraiment cela. Nous portions une combinaison verte et nous avions une caméra au-dessus de la tête, et beaucoup de maquillage sur le visage. Nous ressemblions à de vrais idiots. C’était hilarant pour nous ! Il y a d’ailleurs plein de photos ! Et c’était bien, car je n’étais pas le seul idiot ! 

C’était aussi étrange. J’ai eu une scène avec Norman Regan, dans laquelle nous nous rencontrons et il y avait comme un câlin amical. Sauf que la caméra nous cognait et nous pensions « merde c’est vraiment n’importe quoi ». Pourtant Hideo était content et il voulait avancer sur la prochaine scène. Nous lui avons dit qu’il ne pouvait pas continuer avec ça, mais il a répondu « C’est bon ! Je ne fais pas qu’éditer les scènes. Je fais et j’anime ! ». On ne s’habitue jamais réellement à cela. En fait, il pouvait faire ce qu’il voulait avec nous ! Peu importe ce que l’on faisait, il pouvait le corriger.

C’était une expérience très amusante, j’ai adoré ! Hideo est un génie ! C’est un jeu magnifique et je vous encourage tous à y jouer !

Quel est le film pour lequel vous êtes le plus fière ?

Je suis fière de beaucoup de films, de manière égale. Je ne peux pas mentionner de nom. Ils m’ont soit appris quelque chose, soit j’ai avancé quelque part grâce à eux, soit j’ai juste adoré le film, ou alors j’ai rencontré des gens pendant ce film. Il y a pleins de raisons qui expliquent mes fiertés.

Je n’ai jamais rien fait dont je ne sois pas fière. Bon j’ai fait des choses qui n’étaient pas super bien, mais je suis heureux de les avoir faites. Elles ont toutes été les pierres de mon édifice pour trouver mon chemin. 

Un tonnerre d’applaudissements pour Mads Mikkelsen ! Envie d’en savoir plus ? Notre article “Rencontre avec Mads Mikkelsen #1 : Les ficelles du métier de comédien” est déjà en ligne. 

Pour les curieux, l’intégralité de la rencontre avec Mads Mikkelsen est disponible sur la chaîne Youtube du Festival de Cannes.