La tendre indifférence du monde: un tableau poétique

La tendre indifférence du monde (Laskovoe bezralichie mira) de Adilkham YERZHANOV (son 5ème film) est une poésie cinématographique. Il a été présenté dans la sélection « Un certain regard. »

Saltanat et Kuandyk habitent tous les deux à la campagne où ils mènent une vie paisible. Saltanat vient de perdre son père et sa famille est écrasée sous les dettes qu’il a laissées. Pour aider sa famille, Saltanat se voit obligée de se marier à un homme d’affaire riche. Elle doit donc se rendre à la ville pour rencontrer son futur mari. Kuandyk décide de l’accompagner et de veiller sur elle. Le couple doit alors faire face à une suite d’événements cruels. Guidés par une citation de L’Etranger d’Albert Camus, ils vont essayer de se battre contre le sort.

On peut reprocher à la narration d’être linéaire malgré tous les malheurs qui arrivent aux protagonistes. Le film est entièrement contemplatif et les personnages sont, dès le début, voués à une fin tragique, des Roméo et Juliette kazakh. Mais quelle belle histoire d’amour ! Un amour si pur et innocent qu’il est difficile à trouver au cinéma dernièrement.

Le réalisateur ne voulait pas que ses personnages soient des clichés et il a réussi. Saltanat et Kuandyk sortent du lot. Kuyandyk est quelqu’un de sincère et bon enfant. Son talent et son imagination permettent à Saltanat de fuir la réalité. Saltanat est pleine de courage et de détermination. Ils sont tous les deux coupés des rouages de cette société corrompue dans laquelle ils vivent. Et surtout, ils s’accrochent à leurs convictions jusqu’à la fin.

Ce petit bijou est une histoire intemporelle et se repose sur la photographie. C’est presque un tableau animé, hyperréaliste. Les plans sont fixes et longs. La caméra semble « extérieure » à l’intrigue, elle semble ne pas prendre de parti pris. Mais c’est juste une illusion, car cette caméra fixe nous montre l’innocence de ses deux personnages et nous permet de nous y attacher. Les paysages sont trop grands pour les personnages. Le cadre est de plus en plus oppressant et étouffant. Le film est rempli de métaphores, comme la symbolique de la robe rouge remplacée par une robe noire, pour n’en citer qu’une.

Ce long métrage plein de douceur est le deuxième film kazakh présenté à Cannes cette année. L’autre, Ayka de Serge Dvortevov a fait remporter le prix d’interprétation féminine à l’actrice Samal Yeslyamova.

La lenteur apparente du film n’enlève rien à sa beauté particulière. Telle une peinture ou poésie, le film se savoure.

 

Quelques changements pour cette 71 ème édition

Le selfie c’est fini, adieu Netflix pour la compétition et bonjour à l’Arabie Saoudite sur le tapis.

Les selfies sont désormais interdits sur le tapis rouge car d’après  le délégué général du Festival de Cannes Thierry Frémaux, ceux-ci causeraient beaucoup de troubles. Il avait déjà en 2015 invité les célébrités à moins, voir pas du tout, utiliser cette pratique qu’il considère comme « ridicule et grotesque ». Cannes est une ville de paillettes et encore plus pendant cette période de l’année, elle mélange art et élégance, on se doit de bien se tenir. Le directeur général rappelle que les photographes sont là pour faire leur travail et qu’une photo prise par l’un d’eux et un selfie n’ont pas la même portée puisque le selfie apporte une certaine proximité, alors que la photo rend la montée des marches encore plus unique.

L’an dernier était présenté en compétition un film présent sur la plateforme Netflix, Okja, permettant ainsi de le faire découvrir au public sous une plus grande envergure. Cette année, il sera désormais impossible pour un film faisant partie de la plateforme de participer à la compétition car selon le règlement du festival, un film présenté en compétition doit par la suite sortir en salles, ce à quoi Netflix se refuse. Les longs métrages de la plateforme pourront cependant être présenté hors compétition.

Petit changement également du côté des journalistes qui se voient obligés de changer leur façon de travailler puisqu’il leur est désormais impossible de découvrir les films de la sélection avant tout le monde, mais lors des premières mondiales, afin de redonner un petit coup de punch aux soirées de gala.

L’Arabie Saoudite aura l’occasion de faire sa première apparition lors de cette 71ème édition du Festival de Cannes, ils présenteront en tout 9 courts métrages. Cette démarche vise à mettre en avant le plan nommé « Vision 2030 », qui contribuerait à la diversification d’une économie encore trop sous l’influence du pétrole. L’héritier Saoudien Mohammed Ben Salmane, a pour projet d’ouvrir des salles de cinéma, après 35 années d’interdictions, qui profiteraient donc au 30 millions d’habitants.