« Hemingway & Gellhorn », de Philip Kaufman, sélection déception

A la lecture du synopsis du film présenté en compétition, on s’attend à un récit passionnant retraçant l’histoire d’amour entre deux monuments de l’écriture.  On est au regret de penser qu’Ernest Hemingway et Martha Gellhorn, incarnés par Clive Owen et la splendide Nicole Kidman se sont certainement retournés dans leur tombe. Martha Gellhorn, écrivain, magnifique blonde en quête de réussite professionnelle rencontre le déjà célèbre Ernest Hemingway en 1936. Il faudra peu de temps pour que l’histoire d’amour prévisible commence, entre le maître qui brutalise son élève pour révéler le génie qui est en elle, et l’élève qui tombe éperdument amoureuse de celui qui sera à l’origine de son émancipation personnelle et professionnelle. Cela aurait pu être passionnant : c’est niais et ennuyeux.  Les dialogues sont inconsistants, les amants vivent entre passion, excès et fausse bravoure, le tout ponctué de scènes de sexe improbables… dont une, particulièrement absurde : le couple, dans une étreinte passionnée cadencée par le chaos extérieur (la guerre civile en Espagne, premier terrain de Martha Gellhorn), est touché par une bombe largué sur leur hôtel… on aurait pu croire qu’ « Hem », le beau colosse, aurait perdu tout son entrain pour la belle correspondante de guerre, mais c’est la poussière qui devient leur terrain de jeu, au lit comme au travail! Déchaînement dehors, déchaînement dedans, la caméra nous offre de haut en bas la jambe sans fin de Nicole Kidman, enduite de poussière blanche et objets des douces caresses de Clive Owen, que rien ne semble pouvoir arrêter ! Même pas mal…

Si la comédie s’était arrêtée là, on aurait certainement accordé le faux pas à Philip Kaufman mais ce film est une imposture incarnée en grande partie par le personnage de Gellhorn, prisonnière d’un rôle qui ne lui va pas, reporter de guerre féministe prête à sauver le monde et parcourant l’Espagne en guerre civile, la Chine, dont elle ne peut laisser périr les pauvres petits enfants au travail, la Finlande, présentée comme une terre glaciale sur laquelle tente de survivre la jolie blonde, bravant le froid, se lançant dans une correspondance par lettres enflammées – qui font tomber un peu plus le film dans le pathos – et luttant contre son envie de rentrer à Cuba pour retrouver Hemingway… voilà une heure que le film a commencé, on se dit que définitivement ça ne décollera jamais, les deux acteurs sont cantonnés à leurs rôles de piètres amoureux transis qui finiront par se déchirer à cause de la passion dévorante et très peu convaincante de Gellhorn pour le reportage de guerre. On aura évidemment compris la métaphore de la guerre sur laquelle est basée le film : la guerre qui déchire le monde et qui finira par déchirer ceux qui en sont les témoins et ne cessent de le répéter, ce qui, une fois encore, enfonce le clou du cliché. Les deux acolytes n’ont qu’un but dans la vie : sauver le pauvre Monde de ses horreurs. On alourdi le tout d’images des camps de la morts qui anéantiront notre pauvre journaliste… et titilleront la sensibilité du public : joli coup marketing.

Philip Kaufman aura tenté le tout pour le tout, et peu importe de mélanger idéalisation du métier de reporter de guerre, sensiblerie, mélodrame : les scènes de guerre prennent l’aspect d’archives dans lesquelles apparaît Nicole Kidman comme une fleur, en noir et blanc ou sépia, selon l’humeur, et dont le but est très flou… Une chose est sûre : Teint gris ou poupée pour l’actrice, ce film est une erreur de sélection. Il se clôture par la folie d’Hemingway qui s’autodétruit tandis que Gellhorn repart en mission à l’étranger après avoir passé un bref coup de fil à sa rédaction. Mais bien sûr le sac à dos était déjà fait, et elle s’en va fièrement en guerre… Ecran noir, enfin.