La tapis rouge foulé par 82 femmes engagées

Cinq jours après la cérémonie d’ouverture de cette 71ème édition du Festival de Cannes, 82 actrices, scénaristes, réalisatrices et professionnelles du cinéma se sont réunies pour une montée des marches inédite dédiée à la condition féminine et plus particulièrement aux inégalités salariales persistants dans l’industrie du cinéma. On y retrouvait Salma Hayek, Marion Cotillard, Léa Seydoux, Zabou Breitman, Ava Duvernay, … Une disparité conséquente, contre laquelle toutes ces grandes dames du cinéma se sont mobilisées lors de la projection du film Les Filles du Soleil au Palais des Festivals.

Le nombre de 82 n’est pas le fruit du hasard, puisqu’il s’agit du nombre exact de films retenus en compétition pour la Palme d’Or réalisés par des femmes depuis la toute première édition du Festival. Pour ne pas déroger à la règle, cette année encore on ne compte que trois films réalisés par des femmes sur les vingt-et-un en lice pour la Palme d’Or. Rappelons aussi qu’il y a seulement eu deux lauréates de ce prix (contre 71 réalisateurs), à savoir Jane Campion, récompensée en 1993 pour son film La leçon de piano, ainsi qu’Agnès Varda pour l’ensemble de sa carrière en 2015.

C’est sous un soleil timide que le cortège entièrement féminin commence son ascension vers la salle Lumière. Il marque un arrêt à la moitié des marches dans un silence symbolique. A la suite de quoi, Cate Blanchett, actrice et présidente du jury, lit une déclaration commune avec la doyenne du cinéma français, la cinéaste Agnès Varda. Un discours percutant, conclu par ces mots:

« Allons-y, montons les marches »

Une dernière phrase exprimée avec assurance qui démontre la détermination et la volonté de toutes les femmes d’être reconnues à leur juste valeur dans leur profession.

Malgré le film décevant d’Eva Husson, cette montée unique restera l’un des temps forts de ce festival. 

UN TRIO GAGNANT

J’ai nommé Abdellatif Kechiche comme réalisateur et ses deux muses Léa Seydoux (que l’on connaît tous déjà) et Adèle Exarchopoulos (LA révélation 2013). Vous l’aurez compris, le film dont on parle : « La vie d’Adèle ». L’histoire met en scène une adolescente (Adèle) qui se découvre, s’épanouie et se transforme après être tombée amoureuse d’Emma. Les deux filles sont différentes : l’une s’assume, l’autre s’apprend. On suit leur amour du début à la fin, avec les péripéties d’un couple fusionnel. 

Kechiche perfectionniste

Comme toujours dans ses films, Abdellatif Kechiche veut à tout prix être réaliste. On retrouve ses plans filmés de près, très près, pas ou peu de maquillage, des scènes de disputes et des scènes de sexe (l’une d’elle dure 9 minutes !). Une intimité rarement filmé qui frôle les limites.

On connaît la polémique engagée sur les conditions de tournage de film et sur les méthodes de travail à la Kechiche … Malgré tout, la palme d’Or est amplement méritée ! Des seconds aux premiers rôles, les acteurs sont parfaits. C’est l’angle et l’oeil du réalisateur  qui heurtent et touchent les spectateurs …

Et quels sujets ? C’est le coeur du film :  la jeunesse ? la découverte de la sexualité ?  l’entrée dans la vie sociale ? La trame du long métrage où se mêle homosexualité et milieux artistiques.

De confusions en critiques, ce film secoue les plus médisants : De Cannes à Paris, des réseaux sociaux à la presse, de Christine Boutin à Adèle Exarchopoulos, de RMC au Grand Journal … Bref, tout le monde se déchaine sur « La vie d’Adèle ».

Alors oui, la période est bien choisie.  

Mariage pour tous par là, Manif pour tous par ici … les réactions sont vives ! Christine Boutin, présidente du Parti Chrétien-Démocrate n’a pas hésité. Pour elle « on est envahi, on ne peut plus avoir une histoire sans gay (…) et aujourd’hui, la mode c’est les gays ! ».

Discret, timide et en dehors des polémiques, A.Kechiche ne s’est pas prononcé face à ces attaques. Encore mieux ! Son actrice principale, la jeune Adèle s’en est chargée. Dans la boîte à questions du Grand Journal, elle répond par un simple « Sale frustrée de la fouf » accompagné d’un doigt d’honneur. Au moins, le message est clair et universel.

Polémique, polémique, polémique … Calmons nous avec le message de paix du Président du Jury, le grand Steven Spielberg rectifie en disant je cite « Ce n’est pas la politique qui nous a influencée, mais le film. C’est une très belle histoire. Un amour magnifique auquel tout le monde peut s’identifier, peu importe la sexualité. »

Info pratique : le film sort en salle le 9 octobre prochain

Et Adèle fut primée

Joie, joie, joie de voir Abdellatif Kechiche, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos monter sur la scène du Grand Théâtre Lumière. Après un début de palmarès peu enthousiasmant pour nous, c’est finalement l’évidence qui s’impose avec Adèle, la grande Vie d’Adèle, forte et romanesque. La qualité de l’interprétation de ses deux actrices, la densité du film et son propos, son récit implacable faisaient de ce film la palme d’or rêvée. Spielberg l’a fait !