Are you happy to be in Cannes ?

Cette année à Cannes, tout change. Même la cérémonie d’ouverture. Animée par un Edouard Baer en grande forme, toujours sur le fil, faisant alterner l’humour absurde qu’on lui connait et une poésie lunaire sur fond de discrète partition au piano, la soirée aura mis sur scène, pour la première fois, le délégué général du Festival Thierry Frémaux et le Président Pierre Lescure, jusqu’alors plutôt tapis dans l’ombre alors que la lumière nimbait les seuls visages des stars. Une cérémonie presque backstage, dans la cuisine d’un festival qui affiche ses opinions, ses partis pris, son désir de renouvellement.

Seul Laurent Weil, finalement, aura échappé au vent de fraîcheur. Dans le rôle difficile de celui qui tend son micro à Pénélope Cruz sans se faire piétiner par ses talons hauts ni par le pneu de la Renault Talisman Initiale qui manque de peu de lui rouler dessus, le journaliste de Canal Plus aura posé, pour la mille trois cent soixante treizième fois depuis son premier festival (si nos calculs sont bons) SA question fétiche : « are you happy to be in Cannes ? ». Comme si monter les marches c’était la loose, comme si y présenter un film n’y était pas plus excitant que la traite des chèvres dans une basse vallée de l’Ardèche, comme si mettre une robe de soirée sublime relevait de la corvée ultime comparable au travail sur les chaines de montage de Flins… où est produite la Renault Talisman Initiale qui manque de peu de rouler sur les pieds de Laurent Weil. Bref, au journaliste de Canal revient sans doute la palme de la question con, sans intérêt, à laquelle même un prix Nobel ne trouverait rien d’intéressant à répondre. Que voulez-vous que je vous dise ? Evidemment que je suis content, évidemment que je suis excité comme une puce, et alors ?

La question de Laurent Weil a au moins une vertu, qui la tire de l’absolue vacuité. Elle souligne tout de même quelque chose d’essentiel et d’incroyablement vrai pour quiconque connaît un peu le Festival : tout le monde est content d’être là. Ce qui relie Pénélope Cruz et Elodie, Jacques, Grégoire et Maxime qui sont sur les échelles devant les marches, c’est la conscience de leur chance. Et ce bonheur-là, cette excitation-là, sont aussi des vérités du festival. Alors merci, Laurent Weil, de dire finalement l’essentiel à travers une question con. Parce que oui, on est heureux. Happy. Basique. Simple.

Laurent-Weil
« Are you happy to be in Cannes ? » demande encore une fois Laurent Weil (crédit : Canal +)

La rédaction