La -bouleversante- Vie en grand, Mathieu Vadepied

Le réalisateur Mathieu Vadepied a clôturé la Semaine de la Critique avec La Vie en grand.  Une histoire bouleversante, touchante, mais jamais pathétique !

11287343_10205406178166940_1572700558_nLe film suit le quotidien du jeune Adama dans la banlieue parisienne. Cet élève qui semble prometteur  est pourtant en échec scolaire. Sa mère ne sait pas lire et son père a dû les laisser tous les deux pour vivre avec sa première femme ; la polygamie étant interdite en France. Le manque d’argent se fait sentir et la détresse de sa mère semble difficilement supportable pour le jeune garçon…

Mathieu Vadepied a réussi son challenge et il ne nous déçoit pas ! Le film suit son cours sans tomber dans le pathos. Balamine Guirrasy qui joue le rôle de Adama est surprenant, de même que le petit Ali Bidanessy alias Mamadou ! Ils sont une source d’air frais dans un univers parfois oppressant. Les moments difficiles sont souvent teintés d’un sourire de ces deux jeunes héros qui ne perdent jamais de temps à se plaindre !

La Vie en grand est un retour à la dure réalité de la vie des cités françaises en 2015. Il nous rappelle que des choses simples peuvent nous rendre heureux, mais que le proverbe « l’argent ne fait pas le bonheur » reste bel et bien une grosse

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© Alexandra Drieghe / Cannes 2015

Alexandra DRIEGHE

Quand Clap8 part à Cannes : Flash-back d’une journée pas comme les autres.

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6h45 : Rendez-vous sous le panneau d’affichage de la Gare de Lyon à Paris. Les membres de l’équipe Clap 8, armés leurs petits yeux,  leurs sourires endormis et leurs grosses valises arrivent pour le grand départ.

7h19 : Ça y est, le train bouge. Cette fois c’est pour de vrai, on part au Festival de Cannes. Chacun vit le voyage à sa façon, fin de nuit pour certains et premières images vidéos pour d’autres. Peu à peu les voix s’élèvent et les esprits s’agitent… Monsieur Maixent nous réserve une surprise… qu’elle est-elle ? Les idées fusent : Pour Rebecca c’est sûr on va rencontrer Ryan Gosling ! Laura préfèrerait Gaspard Ulliel… Une licorne lance soudainement Caroline… On a le droit de rêver !

Monsieur Zaraya reste muet, le mystère demeure entier.

12h23 : Arrivée en Gare de Cannes. On y est, accueillis par un guide de choix : Monsieur Maixent nous attend, le teint hâlé, sourire aux lèvres. Il fait beau, il fait chaud, on dégaine les lunettes de soleil. L’équipe de Clap 8 envahie les rues de Cannes ! Avant d’échouer dans le hall d’entrée de l’Hôtel.

13h05 : C’est LE moment. Après l’avoir imaginé pendant des mois, en avoir parlé pendant des heures… Nous avons le Graal. Cette petite chose à la valeur inestimable : Notre badge. Chacun le porte fièrement. C’est officiel, nous sommes accrédités.

14h00 : Quoi de mieux pour inaugurer ce séjour qu’un déjeuner les pieds dans l’eau sur fond d’ambiance de Ukulélé ? L’équipe se met dans le bain (… enfin, un petit bain de pieds ! Parce qu’elle est fraiche la mer!)

18h00 : Un seul mot d’ordre : Rendez-vous devant le McDonalds. Intrigués, impatients, trépignants… On va enfin savoir !

La surprise ? Oh trois fois rien, un apéritif sur un voilier, avec le directeur d’une agence de presse spécialisée dans le cinéma et quelques journalistes ça vous dit ?

On va pas faire les difficiles… Aller ! D’accord !

L’équipe de Clap 8 est chaleureusement accueillie pas Jean-François Gaye (à la tête de l’agence DarkStar). Les discussions vont de bon train, et les photos aussi ! Découverte d’un métier et d’un univers.. d’une future vocation ?

Tandis que le soleil se couche sur le vieux Cannes, ce moment divin, touche à sa fin…

20h00 : C’est tout sourire et des premiers souvenirs plein la tête que la jolie troupe se dirige vers le Restaurant le Pizzicato ! Bonne ambiance et bonne humeur mènent la danse avec comme partenaires pizza, tartares, pâtes, salades… De la haute voltige !

22h00 : L’équipe se disperse, certains se faufilent dans les salles, d’autres profitent de la projection plein air de Terminator sur la Croisette, ou dégustent leur première glace Cannoise…

Plus tard dans la nuit : Après une journée ensoleillée, bien remplie, et riche en émotions, l’équipe rentre enivrée de bonheur et d’euphorie jusqu’à l’hôtel… Pendant que certains épousent les lits, d’autres terminent le montage de la première vidéo… à l’image de la journée : Inoubliable.

Ça commence bien ! Rendez-vous demain !

Marie DONDON

«Mon Roi» : les coulisses du tournage racontées par la stagiaire régie

Après avoir remporté le prix du jury à Cannes en 2011 avec «Polisse», la talentueuse réalisatrice Maïwenn revient avec son nouveau film en compétition officielle «Mon Roi». Clap8 vous en raconte le tournage à travers les yeux de Jade Debeugny, 21 ans, étudiante en cinéma et stagiaire au sein de l’équipe régie du film. En plus de nous faire partager son expérience et nous livrer les anecdotes de tournage, Jade nous parle de ce métier du cinéma moins connu du grand public : celui des régisseurs, aussi surnommés «les mamans du tournage».



11208931_10205454358810762_541739490_nQu’as-tu-fait en tant que régisseuse sur le tournage de Maïwenn ?

« La régie a des tâches vraiment très variées  : aider à trouver des décors, les réserver, gérer le budget accordé, communiquer avec la cantine du tournage, c’est tellement de choses différentes ! Pendant la préparation j’aidais beaucoup à rassembler le matériel pour les différentes équipes. J’ai aussi fait les courses les plus ENORMES de ma vie ! J’ai eu la chance d’être régisseuse plateau c’était vraiment bien. Tu es là pour aider toutes les équipes, c’est vraiment un truc de logistique où il faut qu’on facilite les choses pour tout le monde.

Comment t’es-tu retrouvée à travailler sur le tournage de Maïwenn ?

Ah ! Avec beaucoup de chance ! Une amie de ma mère a rencontré le régisseur général, Marc Cohen, il faisait du repérage sur son lieu de travail pour trouver un décor. Elle a eu l’initiative de demander s’il prenait des stagiaires. Donc à partir de là, j’ai pris le mail et je l’ai un peu harcelé je dois avouer… Honnêtement il faut apprendre à harceler les gens, parce que ça veut dire que tu en veux vraiment. J’ai réussi à avoir un entretien avec lui et un régisseur adjoint, ça s’est super bien passé. C’est sûr, j’ai eu une part de chance mais il faut enfoncer la porte une fois que l’on est devant.

ob_9917e1_ce-fmvsumaaljmqDe quoi parle le film «Mon Roi»?

Le film raconte l’histoire d’amour torturée entre deux personnages, Tony qui est jouée par Emmanuelle Bercot et Georgio qui est joué par Vincent Cassel. Ils vont vivre une histoire un peu douloureuse et un peu en montagne russe, parce que Georgio c’est quand même… un beau «  connard  »  et elle a vraiment du mal à se détacher de l’emprise qu’il a sur elle.

C’est quoi le plus important pour être régisseur ?

Avoir un permis, c’est difficile de bosser sans. Moi en tant que stagiaire je n’étais pas censée conduire. Il faut aussi beaucoup d’énergie, car c’est très fatigant, on fait de très longues journées, on arrive toujours les premiers et on part toujours les derniers.

Est-ce que tu penses que régisseur c’est un tremplin pour accéder à d’autres métiers dans le cinéma ou cela peut être un choix de carrière ?

Oui, bien sûr que régisseur est un choix de carrière à part entière, car c’est super sympa, en tout cas moi j’adore! Mais il est vrai que beaucoup de gens passent par la régie avant de faire autre chose. Pour débuter c’est bien, parce qu’on te confie des tâches sur lesquelles tu prends la main rapidement, et en plus c’est un super poste d’observation. Tu es en contact avec absolument toutes les équipes. Après oui il y a des régisseurs qui le restent toute leur vie, parce que c’est super sympa. J’ai appris que tu peux facilement passer d’un poste à l’autre. Rien ne m’empêchera d’être régisseuse professionnelle puis d’avoir six mois pour réaliser un projet à moi et être sur un autre projet comme assistante réalisatrice.

Comment s’est déroulé le tournage ?

On a tourné dans tout Paris ! Il y avait vraiment énormément de décors, on changeait de lieux tous les un à deux jours (excepté un où l’on est resté 15 jours).  Parfois même on faisait deux décors par jours. Je n’étais pas chargée de cette organisation mais je sais que pour mes supérieurs ça a été super sportif. Le tournage a duré 10 semaines environ. Il y a eu un peu de tournage dans le Sud de la France, et on a fait 2 jours à Deauville aussi.

Comment était l’ambiance sur le tournage ?

Moi j’ai adoré mais c’est vraiment mon point de vue en tant que stagiaire. J’ai adoré tout d’abord mon équipe régie, j’ai eu beaucoup de travail mais j’étais quand même hyper chouchoutée. Ils m’ont bien entourée. L’ambiance ne pouvait pas être détendue, parce que c’était hyper «speed» au niveau du timing. Il faut toujours faire 10 000 choses ! D’un autre coté, c’était détendu dans le sens où il n’y avait pas de chichi entre nous, on se tutoyait, on était naturels. Après je n’avais pas un poste à responsabilités, j’ai donc été épargnée par énormément de stress.

Tu as eu la chance d’être sur le plateau et de voir Maïwenn tourner, comment qualifierais-tu sa manière de travailler ?

Maïwenn fonctionne beaucoup avec l’improvisation, ce que j’adore personnellement.     J’ai ainsi découvert ce type de mise en scène. J’attends de voir le résultat, mais je trouve que ça donne beaucoup de naturel au jeu des comédiens. Maïwenn intervient pendant les prises, elle va beaucoup parler à ses comédiens, et la prise peut être considérée comme bonne alors qu’elle avait parlé pendant (je n’imagine pas le travail du son en post-production !).

Camille Cottin (alias «La Connasse» de Canal+)  et  Norman Thavaud (de Norman fait des vidéos) jouent dans le film, tu ne trouves pas que c’est un peu surprenant pour un film qui n’annonce pas un scénario humoristique ?

Le thème est difficile mais il y aussi des scènes drôles, et j’espère que ça va bien rendre à l’écran. Camille Cottin a un rôle mais  je ne suis pas certaine qu’il soit comique, elle joue l’assistante de Georgio. Le film «Polisse» n’était pas très gai non plus, Maïwenn avait tout de même réussi à mettre des moments drôles. Je pense que là aussi elle a tenu à mettre des moments d’humours.

As- tu des anecdotes de tournages ?

Vincent Cassel se déplaçait entre les scènes sur son segway (véhicule avec deux grandes roues, sur lequel on est debout sur une plateforme), il l’avait eu sur un autre tournage. Parfois je devais le transporter, Vincent me l’a même fait essayer.

Qu’as-tu tiré de cette expérience ?

Depuis le bac je me disais que je voulais faire du cinéma. Travailler sur un tournage professionnel c’est dur, fatiguant. Parfois je faisais des choses pas hyper valorisantes, et les journées étaient longues. Cependant, j’ai tellement adoré que ça a été la confirmation suprême que je voulais travailler sur des tournages plus tard. C’était un épanouissement total pendant 4 mois. J’occupais un poste où tu es obligé de voir les choses très concrètement, mais j’ai quand même eu le droit à des petits moments magiques de cinéma. On a toujours fait attention à ce que j’assiste par exemple à la cascade, à la fausse pluie, à des trucs qui donnent un peu des étoiles dans les yeux. C’est un peu bidon de dire ça, tout le monde le dit, mais  c’est tellement une deuxième famille. Tu t’attaches beaucoup aux gens. Je pense que j’ai vécu ce tournage avec plus d’émerveillement que mes chefs qui sont expérimentés, c’était une expérience géniale.  »

Clémence PUTEGNAT

Cérémonie d’ouverture du Festival : Lambert Wilson rend hommage aux femmes du Monde et du Cinéma.

Le Festival de Cannes a débuté il y a bientôt une semaine par la traditionnelle cérémonie d’ouverture. Animée par Lambert Wilson, celui-ci a voulu rendre hommage aux femmes et aux actrices, mais aussi aux Présidents du Jury, les frères Coen. Retour sur ce moment fort du Festival.

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«  Vous allez fermer les yeux avec moi, justes quelques secondes, et vous allez penser très fort au Festival de Cannes. Quelle est la première image qui vous vient à l’esprit ? Vous entrevoyez peut-être une silhouette, un visage, il est précédé de son parfum. Vous pensez au Festival et c’est bien une femme que vous voyez… Cannes est une femme ! ».

Lambert Wilson a vu juste. Cannes est une femme, le cinéma est une femme. Clap8 n’était pas à Cannes pour la cérémonie d’ouverture, mais tout comme les spectateurs présents au Grand Théâtre Lumière le 13 mai dernier, nous aussi nous avons fermé les yeux, et nous aussi, nous avons vu la silhouette d’une femme. C’est d’abord celle d’Ingrid Bergman qui est apparu, l’élégante silhouette de cette actrice suédoise et icône moderne choisie pour représenter l’affiche du Festival. Puis au fil du discours du maître de cérémonie, nous avons aussi vu l’autre femme. Celle qui ne connaît pas toujours la signification du mot liberté, la femme face « au terrible désenchantement du monde », puis celle qui est mise en lumière à travers le cinéma. L’Actrice.

Outre les critiques que nous avons pu apercevoir sur les réseaux sociaux – « discours féministe », « La femme inspire l’homme, c’est un peu sexiste » – nous en retiendront le meilleur. Lambert Wilson a mis en valeur la femme, dans le monde mais aussi dans le cinéma, milieu qui n’est pas vraiment réputé pour son égalité des sexes.

Suite a un ballet interprété par les danseurs de Benjamin Millepied, directeur de la danse de l’Opéra National de Paris, puis à l’entrée du Jury, un second hommage a été effectué. Celui de Joel et Ethan Coen, Présidents du Jury du Festival. C’est par une rétrospective de leurs chefs-d’œuvre que cette cérémonie d’ouverture nous a rappelé leur talent. Alors à l’image de « The Big Lebowski », nous pouvons dire que cette année, ce sont eux, les « Dudes » de ce 68ème Festival de Cannes.

Juliette Labracherie

Youth, le nouveau film de Paolo Sorrentino

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Paolo Sorrentino présente en Sélection Officielle cette année son 8ème long-métrage au Festival de Cannes 2015.

En 2013, on l’avait aimé dans La Grande Bellezza pour l’esthétique maîtrisée des plans, la scénographie minutieuse, l’ironie du realizzatore et le choix d’acteurs époustouflant.

Avec Youth en 2015, Sorrentino semble poursuivre sa réflexion sur la vieillesse, en s’entourant d’acteurs vedettes : Harvey Keitel et Michael Caine . On va l’aimer pour la ressemblance frappante entre Toni Servillo, notre acteur fétiche de La Grande Belleza, et Michael Caine dans Youth, pour le regard satirique et attendri porté sur la vieillesse et pour la composition minutieuse des plans. En espérant toutefois que Youth soit à la hauteur de son prédécesseur.

 

Hélène Alif et Rebecca Ollivier

Yorgos Lanthimos, un cinéma dérangeant et décalé

Le film ‘The Lobster’’de Yorgos Lanthimos figure parmi les films en compétition dans la sélection officielle 2015. Si son nouveau film fait déjà beaucoup parler, notamment pour son casting (Colin Farell, Léa Seydoux, Rachel Weisz) et son scénario étrange, le cinéma du réalisateur grec reste encore assez confidentiel. Retour sur ses précédents films, décalés et dérangeants.

Dérangeant, c’est le mot qui conviendrait le mieux pour définir son premier succès, Canine, sorti en 2009 et victorieux du prix de la sélection Un certain regard à Cannes.

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Dans ce huis-clos malsain, Yorgos Lanthimos nous plonge dans l’intimité d’une famille coupée du monde extérieur où les normes et les codes du langage de notre société se trouvent totalement bouleversés. Dans cette famille les enfants grandissent en apprenant que le mot « téléphone » signifie « sel » ou bien que les avions dans le ciel sont des jouets prêts à tomber à tout moment. Plus perturbant encore, ils ne sont pas conscients de leurs liens de parenté.

Devenus de jeunes adultes, ils demeurent les cobayes d’un père manipulateur et sadique, qui les persuade que le monde extérieur est dangereux pour eux tant qu’ils n’ont pas perdu leur canine.

A travers ce film, le réalisateur nous rappelle combien l’homme peut être facilement malléable, manipulable dès son plus jeune âge et que le langage et l’éducation jouent un rôle clé pour façonner un individu.

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Dans son troisième film Alps (2013), Yorgos Lanthimos nous invite à suivre une troupe de quatre mauvais acteurs appartenant à une société secrète. Leurs rôles ? Prendre la place de personnes décédées afin de permettre aux familles de faire leur deuil, tout en monnayant leurs prestations.

Pour cela ces acteurs amateurs se glissent dans la peau des défunts, enfilent leur vêtements, adoptent leurs attitudes et vont jusqu’à rejouer des scènes marquantes de leur vie. On assiste alors à des scènes à la fois absurdes, étranges et malsaines. Comme celle où l’on suit une trentenaire dans la peau d’une adolescente, prête à tout pour jouer son rôle, allant jusqu’à entretenir une relation avec le petit ami de cette jeune fille décédée.

Dans ce film sombre et cynique, Yorgos Lanthimos touche à l’intime et nous pousse à nous interroger sur la marchandisation de notre société, où finalement la mort et le deuil pourraient tout aussi bien avoir leur place parmi les marchandises sur le marché.

 

 

Caroline Perrichon