Le triomphe du girlie film ?

 

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Coïncidence des sélections, deux films de filles, avec essentiellement des filles au casting, se disputaient l’affiche de ce 17 mai. En séance spéciale à la Semaine de la critique (1), l’actrice et désormais réalisatrice Mélanie Laurent présentait Respire, un film maîtrisé, très applaudi lors de la projection officielle, sur l’influence complexe d’une adolescente tourmentée sur une autre, tandis que Céline Sciamma, à qui l’on devait l’excellent Naissance des Pieuvres, déjà présenté à Cannes en 2007, investissait la Quinzaine des réalisateurs avec Bande de filles. Deux visions a priori opposées de la féminité, quoique.

Ne sois pas trompé par le titre de ce texte, lecteur : ces deux films n’ont rien de « girlie » si l’on entend par là le goût acidulé du rose bonbon. Car chez Laurent comme chez Sciamma, l’adolescence féminine est sombre, elle flirte avec le danger et la mort, et ces deux romans initiatiques reposent tous deux sur l’apprentissage des rapports de force, individuels, pervers et vénéneux dans Respire, collectifs, sociaux et sexués dans Bande de filles.

Le décor des deux intrigues n’a rien à voir : tandis que Respire se déroule dans une ville moyenne du sud-ouest, Bande de filles a les deux pieds dans le 9-3. Le propos de Mélanie Laurent n’a rien de sociologique : l’échelle choisie est celle du drame psychologique, qui donne lieu à de très belles séquences portées par les deux jeunes actrices, prometteuses. Même si quelques clichés et quelques scènes attendues ne sont pas évitées (le première demi-heure du film, notamment, donne une sensation de déjà-vu), le récit prend son envol à mesure que la relation entre les deux adolescentes devient plus complexe et plus dangereuse. Céline Sciamma, elle, ancre son récit dans un contexte social qui rend le « phénomène de bande » d’autant plus intéressant. On y suit Marième, une jeune fille de 16 ans discrète et bien élevée, qui va rejoindre un groupe de filles pour résister à la violence de son environnement : les garçons d’abord (de ce point de vue, la scène d’ouverture est magistrale), puis la structure de la famille, enfin la structure de la société. Cette dernière, semble nous dire Sciamma, produit elle-même ces formes de violence auxquelles l’individu seul ne peut résister.

Curieusement, l’itinéraire de Charlie (Respire) et de Marième (Bande de filles) est un aller simple qui va du collectif à l’individuel, comme si la construction de soi passait d’abord par les coups encaissés et rendus, et par l’expérience de l’autre comme danger. De factures au demeurant très différentes, ces deux bons films sans concession se rejoignent autour d’un diagnostic sombre sur la difficulté d’être soi. Jocelyn Maixent

 

(1) Nous avons eu le plaisir de découvrir Respire en séance officielle, avec toute l’équipe du film. Moment particulièrement émouvant lorsque Mélanie Laurent ne peut retenir ses larmes pendant les dix minutes d’applaudissements à la fin du film. Moments uniques offerts par le festival, les projections officielles permettent ainsi la communion entre un auteur, des acteurs, les critiques et le public.

La bande-annonce de Bande de filles (Céline Sciamma)

La bande-annonce de Respire (Mélanie Laurent)

Isabel Coixet à la Caméra d’or

D’abord, qu’est-ce que c’est la Caméra d’or ? C’est un prix du Festival de Cannes que a été crée en 1978 par Gilles Jacob pour récompenser « le meilleur premier film » parmi toutes les sections du festival : Sélection officielle, en et hors compétition, Un Certain Regard, la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique. Le prix est établi par un jury indépendant dont cette édition du Festival la réalisatrice catalane Isabel Coixet en fait partie.

En 2006, « Paris, Je t’aime » film que raconte une histoire d’amour pour chaqu’un des arrondissements de Paris et réalisé par divers cinéastes parmi lesquels Isabel Coixet, était en compétition pour obtenir le prix Un Certain Regard. Mais c’est vraiment 2009 quand la cinéaste a concouru au prix de la Sélection officielle avec son film « Map of de sounds of Tokyo ». Le film, présenté le dernier, n’a pas beaucoup convaincu la critique ni le jury et elle n’a pas remporté le prix. Au moins, « Map of de sounds of Tokyo » est parti du Festival avec le Prix Vulcain de l’Artiste-Technicien. Et cette Festival 2013 elle pourra vivre la compétition, mais de l’autre côté.

Pour parler de la participation espagnole en générale cette année à Cannes, elle est réduite à trois coproductions : « La vie d’Adèle », avec la France, en Sélection officielle, « La jaula de oro » avec le Mexique et « Wakolda » avec l’Argentine, toutes les deux dans Un Certain Regard. Il faut pas oublier le documentaire « Con la pata quebrada » de Diego Galán, mais qui est hors compétition.