La Realité de Jodorowsky

Un passé coloré et magique, rempli de questions, répression et une famille particulière, ces sont les souvenirs que le réalisateur Alejandro Jodorowsky évoque dans son film La Danse de la réalité qui a fait partie de la sélection de films de la Quinzaine des Réalisateurs qui s’est déroulée en parallèle de la 66ème édition du Festival de Cannes.

Le vieux Jodorowsky introduit le film et il est présent pendant toute l’histoire. Nous sommes accompagnés par le protagoniste pour découvrir son enfance qui a été marquée par un père communiste qui détermine fortement sa manière de penser, qui coupe son imagination et qui veut que son fils soit un « vrai homme ». Le petit Alejandro doit réussir des défis imposés par lui -comme aller chez le dentiste et ne pas utiliser l’anesthésie-, pour le rendre heureux. La relation avec son père est un mélange entre admiration, peur et amour.

Mais la plus forte dans la famille doit être sa mère, qui chante tout ce qu’elle dit et qui pense son fils comme la réincarnation de son propre père. Elle maintient la famille unie au travers de la religion et la foi, ignorées par le père. Elle sera la protection du petit Alejandro et la force pour le père quand il aura des problèmes.

La vie dans ville de Tocopilla c’est un extrait de l’histoire et la réalité de Chili et ses habitants, et c’est la preuve de comme ils ont vécu la dictature, d’un point de vue économique ainsi que social. Dans un descente, par exemple, il y a un groupe de personnes qui marchent ensemble et tous sont habillés en noir. Ils représentent les pestes, la pauvreté et l’oubli du peuple Chilien dans cette période.

Pour cette raison, le film est aussi une excuse pour raconter la vie et l’ambiance politique d’un pays qui avait hâte d’un changement définitif. La Danse de la réalité contraste la vision imaginative d’un enfant avec la rudesse du reste du monde qui détermine la réalité.

Et Adèle fut primée

Joie, joie, joie de voir Abdellatif Kechiche, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos monter sur la scène du Grand Théâtre Lumière. Après un début de palmarès peu enthousiasmant pour nous, c’est finalement l’évidence qui s’impose avec Adèle, la grande Vie d’Adèle, forte et romanesque. La qualité de l’interprétation de ses deux actrices, la densité du film et son propos, son récit implacable faisaient de ce film la palme d’or rêvée. Spielberg l’a fait !

Le Palmarès enfin dévoilé

Une palme d’or française cette année, cinq ans après Entre Les Murs de Laurent Cantet, mais aussi quatre réalisateurs asiatiques primés, deux films américains, un iranien et un mexicain. Le territoire cinéma prouve une nouvelle fois son absence de frontières et son aura dans le monde entier.

Meilleur court-métrage : Safe de Byoung-gon Moon

Caméra d’Or : Ilo Ilo d’Anthony Chen

Prix d’interprétation masculine : Bruce Dern dans Nebraska

Prix d’interprétation féminine : Bérénice Béjo dans Le Passé

Prix du scénario : A Touch of Sin de Jia Zhang Ke

Prix du Jury : Tel père, tel fils de Kore-Eda

Prix de la mise en scène : Heli d’Amat Escalante

Grand Prix : Inside Llewyn Davis des frères Coen

Palme d’Or : La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche

Nebraska

Véritable coup de cœur pour Nebraska !

 

Un vieil homme alcoolique se lève un matin avec pour unique but dans sa vie de récupérer un gain d’un million de dollars qu’il croit avoir obtenu. Crédule, il est en effet persuadé d’être devenu riche, suite à un courrier reçu par la poste le lui annonçant. Une arnaque habituelle, vieille comme le monde, mais à laquelle Woody décide de croire. Le vieillard est en effet bien décidé à rejoindre le Nebraska coûte que coûte pour empocher son million. Evidemment, on se doute qu’une telle somme attire les convoitises…

Le brave Woody, que l’on peut qualifier de courageux, fou voire désespéré, prend ses clics et ses clacs. Avec son fils David, il débute un voyage à l’allure d’un road trip à travers les Etats Unis. Woody est incompris par sa famille : son épouse tente de le dissuader par tous les moyens, entre insultes et humour, mais toujours avec amour.

Là, un long périple commence. Plusieurs étapes rythmeront leur aventure vers le Nebraska : séjour dans la famille, visite du quartier d‘enfance, escale à l’hôpital… Père et fils affrontent ensemble les joies et peines qui se dressent sur leur chemin, mais aussi les colères et déceptions du quotidien, devant nos yeux attendris de spectateurs.

Leurs épreuves sont banales, routinières, mais uniques pour tout un chacun : que l’on ait eu à faire face à de telles situations ou non, que l’on ait des parents âgés ou pas encore, qu’importe finalement, on a tous une famille. C’est pourquoi on se positionne facilement au film ou à quelques instants par ci ou par là. On peut s’émouvoir à en pleurer et en rire aux éclats la seconde suivante.

Les images sont belles, d’un noir et blanc sobre et délicat. L’enchaînement des scènes se fait toujours en douceur et pudeur. En plus d’être drôle, Nebraska est touchant et fédérateur ; un film à ne manquer sous aucun prétexte.

La beauté de la Grande Bellezza

La Grande Belleza aurait pû devenir  l’histoire d’un vieux questionnement « qui est ce que je suis ? »  et « qu’est-ce que j’ai  fait de ma vie ? » avec, comme toile de fond, le merveilleux décor de la ville de Rome. Mais le réalisateur Paolo Sorrentino réussit à faire réfléchir le spectateur sans pour autant le priver du plaisir de la bellezza.

Jep Gambardella (Toni Servillo) vient de fêter son 65éme anniversaire. Écrivain et journaliste Jep est « le roi des mondains ». Vivant la nuit, il passe sa vie dans de nombreuses fêtes : des meilleures terrasses de Rome aux soirées dans les plus beaux palais anciens de la ville éternelle. Mais il n’est pas tout seul, son cercle d’amis est composé d’aristocrates, d’intellectuels et d’artistes.

Le célèbre journaliste a écrit un roman à succès il y a longtemps mais il n’en a pas écrit d’autres depuis. Pourquoi ? Déçu par la société et par le devenir de la vie, Jep Gambardella nous fait part de son monologue intérieur à propos de l’amitié, du regret, de la joie, de la mort, de l’amour… enfin, de la bellezza.

La mélancolie, présente tout au long de ce bon film, fera verser quelques larmes silencieuses aux spectateurs les plus sensibles – mais il y a  aussi une large place pour le rire. Doté d’un scénario très travaillé, ce film aurait vraiment mérité le Prix du scénario.

Hélène, étudiante à Paris 8 et stagiaire au Festival de Cannes

Petite virée au sous-sol du Palais des Festivals où tout le staff cannois s’active pour que tout se passe bien juste au-dessus de leurs bureaux. Nous retrouvons Hélène, stagiaire au service des accréditations et installée à Cannes depuis le début du mois de mai. Auparavant, elle travaillait dans les bureaux parisiens du festival depuis déjà trois mois. Qu’en est-il de son expérience ?

Hélène nous confie que même si elle accrédite les plus grands, elle ne réalise pas l’ampleur du festival et l’effervescence de la Croisette car elle reste toute la journée enfermée dans les bureaux… Un job important mais qui reste dans l’ombre des paillettes et du show permanent de Cannes. Elle vit malgré tout cette aventure pleinement tout en profitant de rencontres avec des équipes de films venues récupérer leurs accréditations, et récupérant parfois quelques invitations pour les projections des films en compétition officielle.

Voici l’équipe qui travaille avec Hélène :

Une tripotée de stagiaires et de saisonniers qui vivent ensemble dans une grande maison aux abords de Cannes. Pas mal pour un stage, non ?
Dimanche, Hélène aura terminé sa mission et partira vers d’autres chemins. Même si, pour l’instant, elle ne pense pas du tout qu’il y ait une vie après Cannes ! Le Cannes blues, ça existe vous croyez ?

Vous pouvez retrouver toutes ses photos de Cannes sur son Tumblr.

Zulu

En Afrique du Sud, les guerres de gang et tensions entre noirs et blancs déciment le pays au quotidien. C’est dans ce contexte que Jérôme Salle pose l‘intrigue de Zulu, drame policier aux allures de série américaine du dimanche soir.

Tous les éléments qui en constituent le schéma narratif tendent à nous porter au coeur de l‘histoire,mais sans jamais nous surprendre. On a le classique trio de flics de choc : le beau gosse torturé émotionnellement, l‘autre blessé physiquement aujourd’hui au service de ses compatriotes, et le troisième, fidèle et stable en tout point, agissant en véritable pillier pour ses deux coéquipiers.

Le côté “enquête“ du film est sympathique ; les premières scènes attirent particulièrement notre attention et nous donnent envie de voir le suite. Pourtant, malheureusement, on devine déjà le dénouement. On continue à espérer voir du suspens et des étincelles, mais même les répliques des personnages sont “téléphonées“.

Attention Zulu reste cependant un film sympathique, pas exceptionnel mais divertissant, avec un scénario bien ficellé bien que pas transcendant. On retrouve un Orlando Bloom excellent en enquêteur négligé mais dévoué pour ses amis et passionné par son métier.

Ce qu‘on ne pardonne pas au réalisateur en revanche, c‘est le manque de paysages sud-africains à l‘écran. Avec un peu plus de jolies images locales pour accompagner la bande son relativement correcte du film, Zulu aurait définitivement gagné quelques points supplémentaires dans notre estime. Pour l‘heure, c’est un 6,5/10 que nous lui attribuons.

Only God Forgives : avis partagés

Maryam (plutôt pour) :

Only God Forgives est un magnifique film mais d‘une violence rare. Magnifique de par les nombreux effets de surcadrage et superbes plans d‘architecture de la Thaïlande. Violent à cause des multiples scènes de bagarres, meurtres et mutilations. Outre ces instants insoutenables pour les âmes sensibles, le film n‘est pas oppressant, l‘ambiance globale ne nous met pas mal à l‘aise. On peut donc profiter des très sympathiques musiques qui agrémentent les différentes poursuites de vengeance et même si le scénario est un peu plat, et que Ryan Gosling déçoit ses fans dans un rôle de fils à maman (malgré lui) exaspérant, on apprécie tout de même pleinement ce drame de Nicolas Winding Refn.

Marine (plutôt contre) :

Errance géographique et cinématographique. Refn rencontre le problème du réalisateur désorienté, parti sur un autre continent comme un Wong Kar-Waï américanisé et finalement complètement déculturé. Les scènes de bordels mystiques s’alternent avec des scènes de violence souvent insoutenables, toujours gratuites et filmées avec complaisance. Jamais on ne retrouvera l’électricité fiévreuse de Drive et le magnétisme de ses images. Ici, elles sont livrées à elle même, se perdent et se diluent, ne sachant que signifier. Même Kristin Scott Thomas en étonnante pétasse blonde ne viendra pas sauver ce constat. Le vide stylisé n’a jamais rien donné d’élégant.

Les autres avis suivent… Cannes n’attend pas !

Le Passé, une question de temps ? Un deuxième avis

Le passé, ou l’histoire ordinaire d’une famille vivant en banlieue ? Vue sur le RER, maison modeste et en désordre ainsi qu’une ambiance calme forment le cadre de l’action. Mais ici, règne davantage un calme pesant qu’apaisant. En réalité, le poids n’est pas tant dû au lieu qu’à l’univers prégnant au sein de la famille. Ai-je dit le mot famille ? Peut-on nommer ces personnes ainsi ? A titre d’illustration, autour du personnage principal incarné par Bérénice Béjo, il y a trois hommes : le père de ses enfants qui n’apparaît pas, l’ex-mari qui revient d’Iran pour signer les papiers du divorce, et le nouveau compagnon qui cherche encore sa place. Les enfants ? Deux filles du côté de la femme, et un petit garçon pour le nouveau mâle. Triste bilan d’une histoire digne d’un mauvais téléfilm ? Détrompez-vous !

Le réalisateur nous offre un festival d’émotions. Nous n’irons pas jusqu’à dire que le spectateur vivra une véritable catharsis. Mais, il aura l’occasion de ressentir les sentiments comme les personnages, rattrapés par leur passé. Des frissons vous parcourront le corps en imaginant vivre leur situation.Tourmentés entre l’amour, la dignité, la culpabilité et la douleur. Donc oui, j’énonce encore le mot famille, car au milieu de tout ce capharnaüm ainsi que des diverses crises et rebondissements, ce mot, ce concept fait sens, et ces individus restent unis.

Pourtant, plus de deux heures de films amènent quelques longueurs, notamment au début. La véritable mise en place de l’histoire tarde. Les acteurs marquent de longs temps d’arrêt avant de s’exprimer. C’est ce qui donne la véracité du film, mais les intenses émotions suffisaient.

En somme, malgré ce petit bémol, un jeu d’acteurs remarquable et une histoire nous transporte au sein de la vie de ces personnages. Une nouvelle œuvre pour Asghar Farhadi, qui envahira les esprits avec sa subtile fin dite « ouverte », où une liberté totale est laissée au spectateur d’imaginer la suite de l’histoire.